Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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décidais pas à posséder me rendit furieux. Je fis tout pour la
reconquérir et, deux semaines plus tard, nos corps se
retrouvaient dans mes draps. J’avais chassé l’intrus, la vie
reprenait son cours, et le sourire me revint.
Au début du mois de septembre, en rentrant d’une longue
garde, je découvris une drôle de surprise sur mon palier.
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Luc était assis sur une petite valise, l’air hagard et la mine
réjouie.
― Tu m’as fait attendre, mon salaud! dit-il en se levant.
J’espère que tu as quelque chose à manger, parce que je crève de
faim.
― Qu’est-ce que tu fais là? lui demandai-je en lui ouvrant
la porte de mon studio.
― Mon père m’a viré!
Luc a ôté son veston et s’est laissé tomber dans l’unique
fauteuil de la pièce. Pendant que je lui ouvrais une boîte de thon
et dressais un couvert sur la malle qui faisait office de table
basse, Luc se raconta avec frénésie.
― Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, à mon vieux. Tu sais,
la nuit qui a suivi ton départ, après le pointage, je me suis
étonné de ne pas le voir revenir au fournil. J’ai pensé qu’il ne
s’était pas réveillé, j’étais même un peu inquiet pour tout te dire.
J’ai ouvert la porte qui donne sur la ruelle et je l’ai trouvé assis
sur sa chaise, il pleurait. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas, il
n’a pas voulu me répondre. Il a juste murmuré que c’était un
coup de fatigue et m’a fait promettre d’oublier que je l’avais vu
comme ça et de ne rien dire à ma mère. J’ai promis. Mais depuis
ce soir-là, il n’était plus le même. D’habitude, il est plutôt dur
avec moi au travail, je sais que c’est sa façon à lui de
m’apprendre le métier, je ne peux pas lui en vouloir. Je crois
que mon grand-père n’était pas bien facile avec lui. Mais là,
chaque jour je le voyais de plus en plus gentil, presque aimable.
Lorsque je ratais la mise en forme des pains, au lieu de me
houspiller, il venait près de moi et me montrait à nouveau
comment faire, me disant chaque fois que ce n’était pas grave,
que lui aussi commettait des erreurs. Je te jure que je n’en
revenais pas. Un soir, il m’a même pris dans ses bras. J’ai cru
qu’il perdait la tête. Je ne devais pas être loin du compte parce
que avant-hier il m’a licencié comme un simple apprenti. À
6 heures du matin, il m’a regardé droit dans les yeux et il m’a dit
que si j’étais aussi malhabile, c’est que la boulangerie ne devait
pas être faite pour moi, qu’au lieu de perdre mon temps et de lui
faire perdre le sien, je ferais mieux d’aller tenter ma chance en
ville. Je n’avais qu’à choisir ma voie puisque c’était comme ça de
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nos jours qu’on devenait heureux. Il était en colère en me disant
ça. À l’heure du déjeuner, il a annoncé à ma mère que je partais
et il a fermé la boulangerie pour le reste de la journée. Le soir, à
table, personne n’a rien dit, maman pleurait. Enfin, côté salle à
manger elle était en larmes, mais chaque fois que j’allais dans la
cuisine, elle me rejoignait pour me prendre dans ses bras en me
chuchotant qu’elle n’avait pas été aussi heureuse depuis
longtemps. Ma mère se réjouissant que mon père me foute à la
porte... Je te jure, mes parents ont perdu la boule! J’ai regardé
trois fois le calendrier pour vérifier que nous n’étions pas le
1er avril.
«Au matin, mon père est venu me chercher dans ma
chambre, il m’a dit de m’habiller. On a pris sa voiture et on a
roulé huit heures, huit heures sans échanger le moindre mot.
Sauf à midi quand il m’a demandé si j’avais faim. Nous sommes
arrivés en début de soirée, il m’a déposé devant cet immeuble et
m’a dit que tu habitais là. Comment il l’a su? Même moi je
l’ignorais! Il est descendu de la voiture, a sorti mon sac du
coffre et l’a posé à mes pieds. Puis il m’a tendu une enveloppe
en me disant que ce n’était pas grand-chose mais que c’était le
mieux qu’il pouvait faire et qu’avec ça je pourrais tenir quelque
temps. Et puis il est remonté derrière son volant et il est parti.
― Sans rien te dire d’autre? demandai-je.
― Si. Juste avant de démarrer, il m’a annoncé: «Si tu
devais t’apercevoir que tu es aussi piètre médecin que
boulanger, alors reviens et cette fois je t’apprendrai le métier
pour de bon.» Tu y comprends quelque chose?
J’ai débouché mon unique bouteille de vin, un cadeau de
Sophie que nous n’avions pas bu le soir où elle me l’avait offert.
Je nous ai servi deux grands verres et, en trinquant, j’ai déclaré
à Luc que non, je n’y comprenais rien.
*
**
J’ai aidé mon ami à remplir tous les formulaires
nécessaires à son inscription en première année de médecine, je
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l’ai accompagné au bureau des admissions où il a sacrifié une
grande partie du pécule que lui avait remis son père.
La reprise des cours aurait lieu en octobre. Nous allions
refaire des études ensemble. Nous ne serions plus assis côte à
côte dans la même classe, mais nous pourrions nous voir de
temps à autre dans le petit jardin de l’hôpital. Même sans
marronnier ni panier de basket, nous en referions vite notre
nouvelle cour de récréation.
La première fois que nous nous y sommes retrouvés, c’est
moi qui ai remercié son ombre.
*
**
Luc s’installa chez moi. Notre cohabitation était des plus
faciles, nous vivions en horaires décalés. Il profitait de mon lit
pendant que je faisais mes gardes de nuit et partait en cours
lorsque je rentrais. Les rares fois où nous devions partager le
studio, il étendait une couette sous la fenêtre, roulait une
couverture en boule en guise d’oreiller et dormait comme un
loir.
En novembre, il me confia qu’il s’était entiché d’une
étudiante avec laquelle il révisait souvent. Annabelle avait cinq
ans de moins que lui, mais il jurait qu’elle faisait plus femme
que son âge.
Début décembre, Luc me demanda de lui rendre un
immense service. Je frappai ce soir-là à la porte de Sophie qui
m’accueillit dans son lit. La relation que Luc entretenait avec
Annabelle finit par me rapprocher de Sophie. Je dormais de
plus en plus souvent chez elle, et Annabelle de plus en plus
souvent chez moi. Les dimanches soir, Luc nous conviait dans
mon studio et se mettait aux fourneaux, nous faisant profiter de
ses talents de pâtissier. Je ne compte plus les quiches et tourtes
que nous avons dégustées. À la fin du dîner, Sophie et moi
laissions Luc et Annabelle «réviser leurs cours» en toute
intimité.
*
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**
Je n’avais pas revu ma mère depuis l’été, elle avait annulé
sa visite automnale. Elle se sentait fatiguée et avait préféré
s’épargner le voyage. Dans sa lettre, elle m’écrivait que, tout
comme elle, la maison vieillissait. Elle avait commencé à la
repeindre, et les odeurs de solvants avaient fini par
l’incommoder. Au téléphone, elle m’avait assuré qu’il n’y avait
aucune raison de s’inquiéter. Quelques semaines de repos et
tout irait bien à nouveau. Elle m’avait fait jurer de venir la voir à
Noël, et Noël approchait.
J’avais acheté son cadeau, pris mon billet de train et
négocié de ne pas être de garde le 24 décembre. Un chauffeur
d’autobus et une plaque de verglas ruinèrent mes projets. Une
embardée incontrôlable, au dire des témoins, le bus avait heurté
un parapet avant de se coucher sur le flanc. Quarante-huit
victimes à l’intérieur, seize sur le trottoir. Je préparais mon sac
quand mon biper s’était mis à vibrer sur la table de nuit.
J’appelai l’hôpital, tous les externes étaient mobilisés.
Le hall des Urgences était plongé dans un véritable chaos,
les infirmières étaient débordées, les box d’examen tous occupés
et le personnel courait en tout sens. Les blessés les plus graves
attendaient leur tour pour entrer au bloc opératoire, les moins
atteints patientaient sur des civières dans le couloir. Luc, en
qualité de brancardier, faisait la navette entre les ambulances
qui ne cessaient d’arriver et la salle de triage. C’était la première
fois que nous travaillions ensemble. Il était pâle et, dès qu’il
passait devant moi, je le surveillais attentivement.
Lorsque les pompiers lui confièrent un homme dont le
tibia et le péroné sortaient à angle droit du mollet, je le vis se
retourner vers moi, le visage verdâtre, et glisser lentement
contre les portes du sas avant de s’effondrer de tout son long sur
le carrelage à damier. Je me précipitai pour le relever et
l’installai sur un fauteuil de la salle d’attente, le temps qu’il
recouvre ses esprits.
La tourmente dura une bonne partie de la nuit. Au petit
matin, les Urgences ressemblaient à un hôpital militaire
quelques heures après la bataille. Le sol était maculé de sang et
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jonché de compresses. Le calme revenu, l’équipe d’urgentistes
s’affairait à remettre un peu d’ordre.
Luc n’avait pas quitté le fauteuil où je l’avais laissé. Je vins
m’asseoir à côté de lui. Il se tenait la tête entre les genoux. Je le
forçai à se redresser et à me regarder.
― C’est fini, lui dis-je. Tu viens de vivre ton baptême du feu
et, contrairement à ce que tu penses, tu t’en es plutôt bien tiré.
Luc soupira, il fit un tour d’horizon et se précipita au-
dehors pour se vider l’estomac. Je le suivis afin d’aller le
soutenir.
― Qu’est-ce que tu disais sur la façon dont je m’en suis
tiré? demanda-t-il en s’adossant au mur.
― C’était une sacrée nuit de Noël, je t’assure que tu as été
très bien.
― Je me suis comporté comme une merde, tu veux dire,
j’ai tourné de l’œil et je viens de vomir; pour un étudiant en
médecine, j’imagine que c’est du plus bel effet.
― Si cela peut te rassurer, je me suis évanoui le premier
jour où je suis entré en salle de dissection.
― Merci de m’avoir prévenu, mon premier cours de
dissection a lieu lundi prochain.
― Tout se passera bien, tu verras.
Luc me lança un regard incendiaire.
― Non, rien ne se passe bien. Je pétrissais de la pâte, pas
de la chair fraîche, je découpais des pains, pas des chemises et
des pantalons ensanglantés et, surtout, je n’ai jamais entendu
une brioche hurler à la mort, même quand je lui plantais un
couteau dans le bonnet. Je me demande si je suis vraiment fait
pour ça, mon vieux.
― Luc, la plupart des étudiants en médecine connaissent ce
genre de doute. Tu t’habitueras avec le temps. Tu n’imagines
pas combien c’est gratifiant de soigner quelqu’un.
― Je soignais les gens avec des pains au chocolat, et je
peux te garantir que ça marchait à tous les coups, répondit Luc
en ôtant sa blouse.
Je le retrouvai chez moi un peu plus tard dans la matinée.
Il vidait son sac et, toujours en colère, rangeait ses affaires dans
les tiroirs de la commode qui lui étaient réservés.
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― C’est la première fois que ma petite sœur passe un Noël
sans moi. Qu’est-ce que je vais dire au téléphone pour lui
expliquer mon absence?
― La vérité, mon vieux, raconte ta nuit, telle qu’elle s’est
déroulée.
― À ma petite sœur de onze ans? Tu as une autre idée de
ce genre à me proposer?
― Tu as consacré ta soirée de Noël à secourir des gens en
détresse, que veux-tu que ta famille te reproche? Et puis tu
aurais pu être dans ce bus, alors arrête de te plaindre.
― J’aurais aussi pu être chez moi! J’étouffe ici, j’étouffe
dans cette ville, dans l’amphithéâtre, dans ces manuels qu’il faut
avaler à longueur de nuit et de journée.
― Si tu me disais ce qui ne va pas? demandai-je à Luc.
― Annabelle, voilà ce qui ne va pas. Je rêvais de vivre une
histoire avec une femme, tu ne peux pas savoir à quel point.
Chaque fois que mon père me rappelait à l’ordre parce que
j’avais la tête ailleurs, j’étais en train de m’imaginer avec une
fille. Et maintenant que cela m’arrive, je n’ai plus qu’une envie,
redevenir célibataire. Je t’en ai même voulu de ne pas t’investir
plus dans ta relation avec Sophie. La première fois que je l’ai
vue, chez ta mère, je me suis dit que c’était vraiment donner de
la confiture aux cochons.
― Merci.
― Je suis désolé, mais je voyais bien que tu la regardais à
peine, une fille comme ça, c’est tellement inouï.
― Tu es en train de me dire à demi-mot que tu as le béguin
pour Sophie?
― Ne sois pas idiot, si c’était le cas, je n’emploierais pas des
demi-mots, je te dis juste que je ne comprends plus rien à rien.
Je m’ennuie avec Annabelle, elle n’est pas franchement drôle.
Elle se prend au sérieux et me regarde de haut parce que j’ai
grandi en province.
― Qu’est-ce qui te fait dire ça?
― Elle est partie passer les fêtes en famille, je lui ai proposé
de la rejoindre mais j’ai bien senti que l’idée de me présenter à
ses parents la gênait. Nous ne sommes pas du même monde.
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― Tu ne crois pas que tu dramatises un peu? Elle a peut-
être eu peur du côté engageant de la chose? Présenter
quelqu’un à sa famille, ce n’est pas sans conséquence, enfin, cela
signifie quelque chose, c’est une étape dans une relation.
― Tu as pensé à tout ça, quand tu as emmené Sophie chez
ta mère?
J’ai regardé Luc en silence. Non, je n’avais pensé à rien de
tout cela quand j’avais proposé spontanément à Sophie de venir
avec moi, et je réfléchissais seulement maintenant à ce qu’elle
avait dû en conclure. Mon égoïsme et ma bêtise justifiaient sa
distance à mon égard depuis le début de l’automne. Et je ne lui
avais rien proposé pour Noël. Notre amitié amoureuse se fanait,
et j’étais le seul à ne pas m’en rendre compte. Je laissai Luc à sa
morosité et me précipitai sur le téléphone pour appeler Sophie.
Aucune réponse. Peut-être avait-elle vu apparaître mon numéro
sur le cadran et refusait-elle de décrocher?
J’ai joint ma mère pour m’excuser de lui avoir fait faux-
bond. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’elle comprenait très
bien. Elle m’assura que nos échanges de cadeaux pouvaient
attendre, elle tâcherait d’avancer son voyage de printemps et
viendrait me voir dans le courant du mois de février.
*
**
Le soir du jour de l’An, j’étais officiellement de garde,
j’avais troqué cette nuit contre ma liberté à Noël et j’avais perdu
au change. Luc sauta dans un train pour rejoindre les siens. Je
n’avais toujours aucune nouvelle de Sophie. Je m’installai sur
un fauteuil dans le sas des Urgences en attendant que les
premiers fêtards arrivent dans mon service. Cette nuit-là, je fis
une rencontre des plus insolites.
La vieille dame avait été amenée aux Urgences par les
pompiers à 23 heures. Elle était arrivée sur une civière et sa
mine réjouie m’avait surpris.
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― Qu’est-ce qui vous met de si bonne humeur? lui
demandai-je en prenant sa tension.
― C’est trop compliqué, vous ne pourriez pas comprendre,
rétorqua-t-elle en ricanant.
― Donnez-moi une petite chance!
― Je vous assure, vous me prendriez pour une folle.
La vieille dame se redressa sur le brancard et me regarda
attentivement.
― Je vous reconnais! s’exclama-t-elle.
― Vous devez vous tromper, lui dis-je en m’interrogeant
sur la nécessité de lui faire passer un scanner.
― Vous, vous êtes en train de vous dire que je suis gâteuse
et vous vous demandez si vous ne devriez pas pousser plus loin
vos examens. Pourtant, le plus gâteux des deux, c’est vous, mon
cher.
― Si vous le dites!
― Vous habitez au quatrième droite et moi, juste au-
dessus. Alors, jeune homme, quel est le plus distrait de nous
deux?
Depuis le début de ma médecine, je redoutais de renouer
un jour avec mon père dans des circonstances similaires. Ce
soir-là, c’était ma voisine que je rencontrais, non pas dans la
cage d’escalier de notre immeuble, mais aux Urgences. Cinq ans
que j’avais emménagé, cinq ans que j’entendais ses pas au-
dessus de ma tête, le sifflement de sa bouilloire le matin, ses
fenêtres quand elle les ouvrait, et jamais je ne m’étais demandé
qui vivait là ni à quoi ressemblait la personne dont le quotidien
semblait si proche du mien. Luc a raison, les grandes villes
rendent fou, elles vous sucent l’âme et la recrachent comme une
chique.
― Ne soyez pas gêné, mon grand, ce n’est pas parce que j’ai
réceptionné deux, trois paquets pour vous que vous m’étiez
redevable d’une petite visite. Nous nous sommes croisés
plusieurs fois dans l’escalier, mais vous les grimpez tellement
vite que si votre ombre vous suivait, vous la perdriez dans les
étages.
― C’est drôle que vous disiez cela, répondis-je en observant
ses pupilles à la lampe.
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― Qu’est-ce qu’il y a de drôle? s’étonna-t-elle en fermant
les paupières.
― Rien. Et si vous me disiez enfin ce qui vous met de si
bonne humeur?
― Ah non, encore moins maintenant que je sais que vous
êtes mon voisin. À ce sujet, j’aurais d’ailleurs une faveur à vous
demander.
― Tout ce que vous voudrez.
― Si vous pouviez suggérer à votre copain de mettre une
sourdine quand il fait des galipettes avec son amie, je vous en
serais reconnaissante. Je n’ai rien contre les ébats de la
jeunesse, mais à mon âge, hélas, on a le sommeil léger.
― Si cela peut vous rassurer, vous n’entendrez plus rien,
j’ai cru comprendre que leur rupture était imminente.
― Ah, fit la vieille dame songeuse, j’en suis désolée. Bon, si
je n’ai rien, je peux rentrer chez moi?
― Je dois vous garder en observation, j’y suis obligé.
― Qu’est-ce que vous voulez observer?
― Vous!
― Eh bien je vais vous faire gagner du temps. Je suis une
vieille dame d’un certain âge qui ne vous regarde pas et j’ai
glissé dans ma cuisine. Il n’y a rien d’autre à voir ni à faire que
de me bander cette cheville qui gonfle à vue d’œil.
― Reposez-vous, nous allons vous envoyer à la radio et, si
rien n’est cassé, je vous raccompagnerai à la fin de ma garde.
― Parce que nous sommes entre voisins, je vous donne
trois heures. Sinon je rentre par mes propres moyens.
J’ai rédigé une prescription pour une radiographie et
confié ma patiente à un brancardier avant de retourner à mon
travail. Les nuits de réveillon sont les pires de toutes aux
Urgences, dès minuit trente arrivent les premiers malades.
Alcools et nourriture en surabondance, le sens de la fête chez
certains me dépassera toujours.
J’ai retrouvé ma voisine au petit matin, assise sur une
chaise roulante, son sac sur les genoux et le pied bandé.
― Heureusement que vous avez choisi la médecine, parce
que comme chauffeur vous auriez été recalé. Vous me ramenez
maintenant?
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― Je termine mon service dans une demi-heure. Votre
cheville vous fait souffrir?
― Une foulure, pas besoin d’être toubib pour le savoir. Si
vous allez me chercher un café au distributeur, je veux bien vous
attendre encore un peu; un peu, mais pas plus.
Je me rendis au distributeur de boissons et lui rapportai
son café. Elle trempa les lèvres dans le gobelet et me le rendit
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 198 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!