Ñòóäîïåäèÿ.Îðã Ãëàâíàÿ | Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà | Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!  
 

Jack London. Love Of Live. Stories 7 ñòðàíèöà



la cour, on appelle ça l’été et c’est la plus belle des saisons.

- 61 -

Chapitre 3

L’avantage de vivre dans ma petite ville, c’est qu’on n’a pas

vraiment besoin d’aller très loin pour partir en vacances. Entre

l’étang pour aller se baigner et la forêt pour pique-niquer, on a

tout ce qu’il faut sur place. Luc aussi restait, ses parents ne

pouvaient pas fermer la boulangerie. Les gens auraient été

obligés d’acheter leur pain au supermarché et la maman de Luc

dit que quand on prend des mauvaises habitudes c’est très dur

de s’en défaire.

Fin juillet, il s’est passé un truc épatant. Luc a hérité d’une

petite sœur. C’était assez rigolo de la voir gigoter dans son

berceau. Luc n’était plus tout à fait le même depuis la naissance

de sa sœur, moins insouciant, il pensait à son rôle de grand

frère et me parlait souvent de ce qu’il ferait plus tard. Moi aussi,

j’aurais aimé avoir une petite sœur ou un petit frère.

Au mois d’août maman eut droit à dix jours de congés.

Nous avons emprunté la voiture d’une de ses amies et nous

avons roulé jusqu’à la mer. C’était la deuxième fois de ma vie

que je m’y rendais.

Ça vieillit pas la mer, la plage était pareille la dernière fois.

C’est dans ce petit village au bord de l’eau que j’ai

rencontré Cléa. Une fille bien plus jolie qu’Élisabeth. Cléa était

sourde et muette de naissance, une amie faite pour moi, nous

nous sommes tout de suite très bien entendus.

Pour compenser sa surdité, Dieu a donné de grands yeux à

Cléa, ils sont immenses, c’est ce qui fait toute la beauté de son

visage. À défaut d’entendre elle voit tout, aucun détail ne lui

échappe. En fait, Cléa n’est pas vraiment muette, ses cordes

vocales sont intactes, mais comme elle n’a jamais pu entendre

les mots, elle ne sait pas les prononcer. Ça semble assez logique.

- 62 -

Quand elle essaie de parler, les sons rauques qui sortent de sa

gorge font un peu peur au début, mais dès qu’elle rit, alors sa

voix ressemble à la musique d’un violoncelle et j’adore le

violoncelle. Ce n’est pas parce que Cléa ne dit rien qu’elle est

moins intelligente que les autres filles de son âge. Bien au

contraire, elle connaît des poésies par cœur qu’elle récite avec

les mains. Cléa se fait comprendre par des gestes. Ma première

amie sourde et muette a un caractère bien trempé. Pour dire

qu’elle a envie d’un Coca-Cola, par exemple, elle fait des trucs

incroyables avec ses doigts, et ses parents devinent aussitôt ce

qu’elle veut. J’ai tout de suite appris comment on dit «non» en

langage des signes quand elle a demandé si on pouvait avoir une

deuxième glace.

J’avais acheté une carte postale au bazar de la plage pour

écrire à mon père. J’ai rempli la partie gauche en m’appliquant

à écrire tout petit, vu le manque de place, mais au moment de

remplir les lignes à droite, mon crayon est resté suspendu dans

le vide, et moi avec. Je ne savais pas où l’adresser. Me rendre

compte que j’ignorais où vivait mon père m’a fichu un de ces

coups... J’ai repensé à la petite phrase d’Yves sur le banc de la

cour, quand il me disait que l’avenir était devant moi. Assis sur

le sable, je ne voyais devant moi que les mouettes plonger dans

l’eau pour attraper des poissons, et ça me ramenait aux parties

de pêche avec papa.

La vie peut basculer à une vitesse incroyable. Tout va très

mal et soudain un événement imprévu change le cours des

choses. J’avais envie d’une autre existence, je n’avais eu ni frère

ni sœur, mais, comme Luc, je réfléchissais à mon avenir. L’été

de ces vacances au bord de la mer avec maman, ma vie a

chaviré.

Dès que j’ai rencontré Cléa, j’ai su que plus rien ne serait

comme avant. Le jour de la rentrée, les copains seraient verts de

jalousie en apprenant que j’avais une amie sourde-muette, je me

réjouissais de voir la tête que ferait Élisabeth.

Cléa dessine des mots dans l’air, de la poésie

atmosphérique. Élisabeth ne lui arrive pas à la cheville. Mon

père disait qu’il ne faut jamais comparer les gens, chaque

- 63 -

personne est différente, l’important est de trouver la différence

qui vous convient le mieux. Cléa était ma différence.

Par une fin de matinée ensoleillée, la première depuis le

début de notre séjour, Cléa s’est approchée de moi alors que

nous nous promenions sur le port. Jamais nous n’avions été si

proches. Nos ombres se frôlaient sur la jetée, j’ai eu peur et j’ai

fait un pas en arrière. Cléa n’a pas compris ma réaction. Elle m’a

regardé longuement, j’ai vu du chagrin dans ses yeux, puis elle

est partie en courant. J’ai eu beau l’appeler de toutes mes forces,

elle ne s’est pas retournée. Quel crétin, elle pouvait pas

m’entendre! J’avais rêvé de lui prendre la main dès les premiers

instants de notre rencontre. Face à la mer, nous aurions eu plus

belle allure qu’Élisabeth et Marquès sous leur pauvre

marronnier de cour d’école. Si j’avais reculé, c’est parce que je

ne voulais surtout pas lui voler son ombre. Je ne voulais rien

savoir d’elle qu’elle n’ait voulu me dire avec ses mains. Cléa ne

pouvait pas deviner ça et mon mouvement de recul lui avait fait

de la peine.

Le soir, je n’ai pas cessé de réfléchir à la façon de me faire

pardonner et de nous réconcilier.

Après avoir pesé le pour et le contre, je me suis convaincu

qu’il n’y avait qu’un seul moyen de réparer le mal que je lui

avais fait: lui dire la vérité. Partager mon secret avec Cléa était à

mes yeux la seule solution si je voulais vraiment qu’on apprenne

à se connaître. À quoi ça sert de vouloir se lier à quelqu’un, si on

ne prend pas le risque de lui faire confiance?

Restait à trouver comment le lui révéler. Mon niveau en

langage de sourd-muet était encore assez limité et je manquais

de gestes pour lui raconter une telle histoire.

Le lendemain, le ciel était couvert. Agenouillée sur un

rocher au bout de la jetée, Cléa jouait à faire des ricochets en

lançant des galets dans l’eau. Sa mère, trop heureuse qu’elle ait

un ami, m’avait confié que c’était son refuge, elle s’y rendait

chaque matin. Je suis allé à sa rencontre et me suis assis près

d’elle. Nous avons regardé un long moment les vagues venir se

fracasser contre la grève. Cléa faisait comme si je n’étais pas là,

elle m’ignorait. J’ai réuni toutes mes forces et j’ai avancé ma

- 64 -

main vers la sienne, espérant la frôler, mais Cléa s’est levée et

elle s’est éloignée en sautillant de rocher en rocher. Je l’ai suivie,

je me suis planté face à elle et j’ai pointé du doigt nos ombres,

qui s’étiraient sur la jetée. Je lui ai demandé de ne pas bouger,

j’ai fait un pas de côté et mon ombre a recouvert la sienne. Puis

j’ai reculé et les yeux de Cléa sont devenus encore plus grands.

Elle a tout de suite compris ce qui venait de se passer. Pour

quelqu’un d’un tant soit peu observateur, ce n’était pas si

difficile, l’ombre devant moi avait les cheveux longs, celle

devant elle, les cheveux courts. Je me suis bouché les oreilles, en

espérant que son ombre serait aussi muette qu’elle, mais j’ai

tout de même eu le temps de l’entendre me dire «Au secours,

aide-moi». Je me suis agenouillé et j’ai crié «Tais-toi, je t’en

supplie, tais-toi!» et j’ai aussitôt fait en sorte que nos ombres

se recouvrent à nouveau pour que tout rentre dans l’ordre.

Cléa a dessiné un grand point d’interrogation dans l’air.

J’ai haussé les épaules et cette fois, c’est moi qui suis parti. Cléa

courait derrière moi, j’ai eu peur qu’elle glisse sur les rochers,

j’ai ralenti l’allure. Elle m’a pris par la main, elle aussi voulait

partager un secret avec moi. Pour que nous soyons quittes.

Au bout de la jetée se dresse un petit phare de rien du tout.

À le regarder planté là tout seul, on dirait que ses parents l’ont

abandonné et qu’il a cessé de grandir. Sa lanterne est éteinte, il

n’éclaire plus la mer depuis longtemps.

Ce vieux phare abandonné au bout de la jetée, c’est le vrai

lieu secret de Cléa. Depuis qu’elle me l’a fait découvrir, elle m’y

emmène dès que nous nous retrouvons. Nous passons sous la

chaîne à laquelle se balance un vieux panneau rouillé sur lequel

est écrit Accès interdit, nous poussons la porte en fer dont la

serrure rongée par le sel a rendu l’âme et grimpons l’escalier

jusqu’au balcon de veille. Cléa monte la première à l’échelle qui

mène à la coupole et nous restons là des heures entières à

guetter les bateaux et scruter l’horizon. Cléa dessine les vagues

d’un délicat mouvement du poignet gauche et sa main droite

ondule pour figurer les grands voiliers qui croisent au large.

Quand le soleil décline, elle fait un cercle en joignant ses pouces

et ses index, elle fait glisser derrière mon dos le soleil inventé

par ses mains, puis son rire de violoncelle envahit tout l’espace.

- 65 -

Le soir, lorsque maman me demande où j’ai passé ma

journée, je lui parle d’un endroit sur la plage, à l’opposé d’un

phare qui n’appartient qu’à Cléa et à moi, un petit phare de rien

du tout, un phare abandonné que nous avons adopté.

Le troisième jour des vacances, Cléa n’a pas voulu monter à

la coupole, elle est restée assise au pied du phare et j’ai deviné à

son air renfrogné qu’elle attendait quelque chose de moi. Elle a

sorti un petit bloc-notes de sa poche et a griffonné sur une

feuille de papier qu’elle m’a tendue: «Comment fais-tu ça?»

À mon tour j’ai pris son bloc-notes pour lui répondre.

― Fais quoi?

― Ton truc avec les ombres, a écrit Cléa.

― Je n’en ai pas la moindre idée, c’est venu comme ça et je

m’en serais bien passé.

Grattement de crayon sur la feuille de papier, Cléa a raturé

sa ligne, elle avait changé d’idée en cours d’écriture. Sous le trait

j’avais pu quand même lire «Tu es fou!» mais elle avait

finalement préféré me dire «Tu as de la chance, est-ce que les

ombres te parlent?»

Comment elle avait pu deviner? J’étais incapable de lui

mentir.

― Oui!

― Est-ce que la mienne est muette?

― Non, je ne crois pas.

― Tu ne crois pas ou tu en es sûr?

― Elle n’est pas muette.

― C’est normal, moi non plus je ne suis pas muette dans

ma tête. Tu veux bien parler avec mon ombre?

― Non, j’aime mieux parler avec toi.

― Qu’est-ce qu’elle t’a dit?

― Rien d’important, c’était trop court.

― Elle a une jolie voix, mon ombre?

Je n’avais pas saisi toute l’importance, pour Cléa, de la

question qu’elle venait de me poser. C’était comme si une

personne aveugle me demandait à quoi ressemblait son reflet

dans un miroir. La différence de Cléa se trouvait dans son

silence, ça la rendait unique à mes yeux, mais Cléa rêvait de

- 66 -

ressembler à n’importe quelle autre fille de son âge, une fille qui

pourrait s’exprimer autrement que par signes. Si elle avait su

combien sa différence était belle.

J’ai pris le crayon.

― Oui, Cléa, la voix de ton ombre est claire, ravissante et

mélodieuse. Elle te correspond parfaitement.

J’ai rougi en écrivant ces lignes et Cléa aussi en les lisant.

― Pourquoi es-tu triste? m’a demandé Cléa.

― Parce que les vacances vont forcément finir et que tu vas

me manquer.

― Nous avons encore une semaine devant nous, et puis si

tu reviens l’an prochain, tu sauras où me trouver.

― Oui, au pied du phare.

― Je t’y attendrai dès le premier jour des vacances.

― Tu promets?

Cléa a dessiné une promesse avec ses mains. C’est bien

plus beau qu’avec des mots.

Une éclaircie perçait le ciel, Cléa leva la tête et écrivit sur le

bloc-notes:

― Je voudrais que tu marches encore sur mon ombre, que

tu me dises ce qu’elle te raconte.

J’ai hésité, mais j’ai voulu lui faire plaisir, alors je me suis

avancé vers elle. Cléa a posé ses mains sur mes épaules et s’est

approchée tout près de moi. J’avais le cœur qui battait à cent à

l’heure, je ne prêtais aucune attention à nos ombres, seulement

aux yeux immenses de Cléa qui se rapprochaient de mon visage,

à m’en faire loucher. Nos nez se sont frôlés, Cléa a jeté son

chewing-gum, mes jambes étaient toutes m olles, j’avais

l’impression que j’allais m’évanouir.

J’ai entendu dire dans un film que les baisers avaient un

goût de miel, avec Cléa ils avaient le goût du chewing-gum à la

fraise qu’elle avait jeté avant de m’embrasser. À écouter mon

cœur tambouriner dans ma poitrine, je me suis dit qu’on

pouvait peut-être mourir d’un baiser. J’avais quand même envie

qu’elle recommence, mais elle a reculé. Elle me dévisageait. Elle

a souri et a écrit sur la feuille de papier, avant de partir en

courant:

- 67 -

― Tu es mon voleur d’ombre, où que tu sois, je penserai

toujours à toi.

Voilà comment la vie peut chavirer, un mois d’août. Il suffit

de rencontrer une Cléa pour que plus aucun matin ne soit le

même, pour que plus rien ne soit comme avant, pour que la

solitude s’efface.

Le soir qui a suivi mon premier baiser, j’ai eu envie d’écrire

à Luc ce qui m’était arrivé. Peut-être pour prolonger cet instant.

Parler de Cléa, c’était la garder encore un peu avec moi. Et puis

j’ai déchiré la lettre en mille morceaux.

Le lendemain, Cléa n’était pas au pied du phare. J’ai fait

dix allers-retours sur la jetée en l’attendant. J’ai eu peur qu’elle

soit tombée à l’eau. C’est drôlement dangereux de s’attacher à

quelqu’un. C’est incroyable ce que ça peut faire mal. Rien que la

peur de perdre l’autre est douloureuse. Jamais je n’aurais

imaginé cela avant. Pour papa, je n’avais pas eu le choix, on ne

choisit pas son père et encore moins le fait qu’il décide un jour

de vous quitter, mais Cléa, c’était différent. Avec elle, tout était

différent. Je broyais du noir quand soudain j’ai entendu au loin

la mélodie du violoncelle. Cléa était sur le port en compagnie de

ses parents devant la baraque du marchand de glaces. Son père

avait renversé son cornet sur sa chemise et Cléa riait aux éclats.

Je ne savais pas quoi faire, rester là ou courir la rejoindre? La

maman de Cléa m’a adressé un signe de la main. Je lui ai

retourné son bonjour et je suis parti dans la direction opposée.

Je passai une sale journée à attendre Cléa sans

comprendre pourquoi ça me rendait si cafardeux. La digue où

nous nous promenions encore la veille était battue par les

vagues. D’être là, tout seul, me rendait triste à crever. Je devais

avoir croisé la pire des ombres, celle de l’absence, et sa

compagnie était détestable. Je n’aurais pas dû faire confiance à

Cléa, et lui révéler mon secret. Je n’aurais pas dû la rencontrer.

Quelques jours plus tôt, je n’avais pas besoin d’elle, ma vie était

ce qu’elle était mais au moins elle tenait debout. Maintenant,

sans nouvelles de Cléa, tout s’écroulait autour de moi. C’est

moche d’avoir à guetter un signe de quelqu’un pour se sentir

heureux. J’ai quitté la jetée et je suis allé me promener près du

- 68 -

bazar de la plage. J’avais envie d’écrire à mon père, alors j’ai

chapardé une grande carte postale sur le tourniquet et je me

suis installé à une table de la buvette. À cette heure-là, il n’y

avait pas grand monde, le serveur n’a rien dit.

Papa,

Je t’écris du bord de la mer où maman et moi passons

quelques jours de vacances. J’aurais aimé que tu sois avec

nous, mais les choses sont ce qu’elles sont. J’aimerais avoir de

tes nouvelles, savoir que tu es heureux. Côté bonheur, pour

moi, ça va ça vient. Si tu avais été là, je t’aurais raconté ce qui

m’arrive et j’imagine que ça m’aurait fait du bien. Tu m’aurais

donné des conseils. Luc dit qu’il n’en peut plus des conseils de

son père, moi je suis en manque.

Maman prétend que l’impatience tue l’enfance, je

voudrais tellement grandir, papa, être libre de voyager, fuir

les endroits où je ne me sens pas bien. Adulte, je partirai à ta

rencontre, je te retrouverai, où que tu sois.

Si d’ici là nous ne nous sommes pas revus, nous aurons

tant de choses à nous raconter qu’il nous faudra cent déjeuners

pour tout se dire, ou au moins une semaine de vacances rien

qu’à nous deux. Ce serait formidable de pouvoir passer autant

de temps ensemble. Je devine que ça doit être trop compliqué et

je me demande pourquoi. Chaque fois que j’y pense, je me

demande aussi pourquoi tu n’écris pas. Toi, tu sais où j’habite.

Peut-être que tu répondras à cette carte postale, peut-être que

je trouverai une lettre de toi en rentrant à la maison, peut-être

que tu viendras me chercher?

Je crois que j’en ai marre des peut-être.

Ton fils qui t’aime quand même.

J’ai traîné les pieds jusqu’à la boîte aux lettres. Tant pis si

j’ignorais où vivait mon père. J’ai fait comme pour Noël, je l’ai

postée, sans timbre ni adresse.

*

**

- 69 -

Sur l’étal du bazar pendait un joli cerf-volant en papier de

Chine. Il avait la forme d’un aigle. J’ai dit au marchand que

maman viendrait le payer plus tard. J’ai une tête qui inspire

confiance, je suis parti avec mon cerf-volant sous le bras.

Quarante mètres de fil, c’était inscrit sur l’emballage. À

quarante mètres du sol, on doit voir toute la station balnéaire, le

clocher de l’église, la rue du marché, le manège de chevaux de

bois et la route qui file vers la campagne. Si on lâche la ficelle,

on doit découvrir tout le pays, et si les vents sont favorables,

faire le tour de la terre, voir de très haut ceux qui vous

manquent. J’aurais voulu être un cerf-volant.

Mon aigle grimpait joliment, la bobine de fil n’était pas

complètement dévidée, mais il volait fièrement dans le ciel. Son

ombre se promenait sur le sable, les ombres de cerfs-volants

sont des ombres mortes, ce ne sont que des taches. Quand j’en

ai eu assez, j’ai ramené l’oiseau à moi, lui ai replié les ailes et

nous sommes rentrés. En arrivant à la maison d’hôtes, j’ai

cherché un endroit où le cacher, et puis j’ai changé d’avis.

J’ai pris un sérieux savon après a voir présenté à maman le

cadeau qu’elle m’avait offert. Elle a menacé de le jeter à la

poubelle, puis elle a eu une idée encore plus cruelle: me forcer à

le rapporter au marchand du bazar et trouver les mots pour

excuser, je cite, ma conduite inexcusable. J’ai usé de mon

sourire contrit dévastateur, mais il n’a pas du tout dévasté ma

mère. J’ai dû aller me coucher sans manger, ça n’avait aucune

importance, quand je suis contrarié je n’ai pas faim.

*

**

Le lendemain, à 10 h 30, garée devant le bazar de la plage,

maman a ouvert la portière de la voiture et m’a lancé d’un air

menaçant:

― Allez, sors de là, et dépêche-toi, tu sais ce que tu dois

faire!

Mon supplice avait débuté après le petit déjeuner. Il avait

fallu rembobiner le fil pour que la bobine soit impeccablement

- 70 -

enroulée, replier les ailes de mon aigle et les nouer avec un

ruban que maman m’avait donné. Le trajet s’était passé dans un

silence solennel. La suite de l’épreuve consistait à traverser

l’esplanade jusqu’au bazar, et à rendre le cerf-volant au





Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 178 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!



studopedia.org - Ñòóäîïåäèÿ.Îðã - 2014-2024 ãîä. Ñòóäîïåäèÿ íå ÿâëÿåòñÿ àâòîðîì ìàòåðèàëîâ, êîòîðûå ðàçìåùåíû. Íî ïðåäîñòàâëÿåò âîçìîæíîñòü áåñïëàòíîãî èñïîëüçîâàíèÿ (0.053 ñ)...