Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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marchand en m’excusant d’avoir abusé de sa confiance. Je me
suis éloigné, les épaules lourdes, mon cerf-volant sous le bras.
Depuis la voiture, maman avait l’image, mais pas le son. Je
me suis approché du marchand, prenant un air de martyr, et lui
ai dit que ma mère n’avait plus de sous pour mon anniversaire
et qu’elle ne pouvait pas lui payer mon aigle. Le marchand m’a
répondu que c’était pourtant un cadeau qui ne coûtait pas bien
cher. J’ai répliqué que ma mère était tellement radine que «pas
cher» n’existait pas dans son vocabulaire. J’ai ajouté que j’étais
vraiment désolé, le cerf-volant était comme neuf, il n’avait volé
qu’une fois et encore, pas très haut. Je lui ai proposé de l’aider à
ranger son magasin pour le dédommager. J’ai imploré sa
clémence, si je repartais sans avoir résolu le problème, je
n’aurais pas non plus de cadeau à Noël. Mon plaidoyer avait dû
être convaincant, le marchand semblait tout chamboulé. Il a jeté
un regard noir vers ma mère et m’a fait un clin d’œil en
m’affirmant qu’il se faisait un plaisir de me l’offrir, ce cerf-
volant. Il voulait même aller en toucher deux mots à maman
mais je l’ai convaincu que c’était pas une bonne idée. Je l’ai
remercié plusieurs fois et je lui ai demandé de bien vouloir
garder mon cadeau, je repasserais le prendre un peu plus tard.
Je suis retourné à la voiture, jurant que j’avais rempli ma
mission. Ma mère m’a autorisé à aller jouer sur la plage et elle
s’en est allée.
Je n’étais pas vraiment fier d’avoir dit des horreurs sur elle,
mais je n’étais pas fâché non plus de m’être vengé.
Dès que sa voiture a disparu, je suis allé récupérer mon
aigle et j’ai filé sur la plage où la marée était basse. Faire voler
un aigle en entendant craquer les coquillages sous ses pieds a
quelque chose d’assez divin.
Le vent était plus fort que la veille, la bobine se dévidait à
toute vitesse. En tirant d’un coup sec sur le fil, j’ai réussi ma
première figure, un quart de «8» presque parfait. L’ombre du
cerf-volant glissait au loin sur le sable. Soudain, j’ai découvert à
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mes côtés une ombre familière. J’ai failli lâcher mon aigle. Cléa
se tenait à ma droite.
Elle a posé sa main sur la mienne, pas pour la retenir mais
pour s’emparer de la poignée du cerf-volant. Je la lui ai confiée,
le sourire de Cléa était irrésistible et j’aurais été bien incapable
de lui refuser quoi que ce soit.
Ce ne devait pas être son premier coup d’essai. Cléa
maniait le cerf-volant avec une agilité à couper le souffle. Des
«8» complets qui s’enchaînaient, des «S» impeccables. Cléa
avait le don de la poésie aérienne, elle arrivait à dessiner des
lettres dans le ciel. Quand j’ai enfin compris ce qu’elle faisait,
j’ai lu: «Tu m’as manqué.» Une fille qui réussit à vous écrire
«Tu m’as manqué» avec un cerf-volant, on ne peut jamais
l’oublier.
Cléa a posé l’aigle sur la plage, elle s’est tournée vers moi et
s’est assise sur le sable mouillé. Nos ombres étaient jointes.
Celle de Cléa s’est penchée vers moi.
― Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal, les moqueries
que je devine dans mon dos ou les regards condescendants qui
s’affichent devant moi. Qui s’attachera un jour à une fille qui ne
peut pas parler, à une fille qui pousse des cris quand elle rit?
Qui me rassurera quand j’aurai peur? Et j’ai déjà tellement peur
que je n’entends plus rien, même dans ma tête. J’ai peur de
grandir, je suis seule, et mes jours ressemblent à des nuits sans
fin que je traverse comme une automate.
Aucune fille au monde n’oserait dire des choses pareilles à
un garçon qu’elle connaît à peine. Cette phrase, Cléa ne l’a pas
prononcée, c’est son ombre qui me l’a soufflée sur la plage et j’ai
enfin compris pourquoi je l’avais entendue appeler au secours.
― Si tu savais, Cléa, que pour moi tu es la plus jolie fille du
monde, celle dont les cris rauques effacent les ciels de grisaille,
celle dont la voix sonne comme un violoncelle. Si tu savais
qu’aucune fille au monde ne sait faire virevolter les cerfs-volants
comme toi.
Cette phrase, je l’ai murmurée dans ton dos pour que tu ne
l’entendes pas. Face à toi c’est moi qui étais devenu muet.
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Nous nous sommes retrouvés chaque matin sur la jetée,
Cléa allait chercher mon cerf-volant au bazar de la plage et nous
filions ensemble vers le vieux phare abandonné où nous
passions le reste de la journée.
J’inventais des histoires de pirates. Cléa m’apprenait à
parler avec les mains, je découvrais la poésie d’un langage que si
peu comprennent. Accroché par son fil à la balustrade de la
tourelle, l’aigle tournoyait toujours plus haut, jouant dans le
vent.
À midi, Cléa et moi nous adossions au pied de la lanterne
et partagions le pique-nique préparé par maman. Ma mère
savait, nous n’en parlions jamais le soir mais elle avait deviné la
complicité qui me liait à la petite fille qui ne parle pas, comme
l’appelaient les gens du village. C’est fou ce que les adultes ont
peur des mots. Pour moi, «muette» était bien plus joli.
Parfois, après le déjeuner, Cléa s’endormait la tête posée
sur mon épaule. C’était je crois le meilleur moment de ma
journée, l’instant où elle s’abandonnait. C’est bouleversant
quelqu’un qui s’abandonne. Je la regardais dormir, me
demandant si elle retrouvait l’usage de la parole dans ses rêves,
si elle entendait le timbre clair de sa voix. Chaque fin d’après-
midi, nous échangions un baiser avant de nous quitter. Six jours
inoubliables.
*
**
Mes courtes vacances approchaient de leur fin, maman
commençait à préparer les valises pendant que je prenais mon
petit déjeuner, nous allions bientôt quitter la chambre d’hôtes.
Je l’ai suppliée de rester plus longtemps, mais nous devions
prendre le chemin du retour si elle voulait garder son travail.
Maman a promis que nous reviendrions l’an prochain. Il peut se
passer tellement de choses en un an.
Je suis allé dire au revoir à Cléa. Elle m’attendait au pied
du phare, elle a tout de suite compris pourquoi je faisais une
drôle de tête et elle n’a pas voulu que nous montions. Cléa a fait
un geste pour me dire de partir et m’a tourné le dos. J’ai pris
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dans ma poche un petit mot que j’avais rédigé en cachette la
veille au soir, un petit mot où je lui confiais toutes mes pensées.
Elle n’a pas voulu le prendre. Alors je l’ai attrapée par la main et
je l’ai entraînée vers la plage.
Du bout du pied, j’ai tracé la moitié d’un cœur sur le sable,
j’ai roulé ma feuille de papier en cône et l’ai plantée au milieu de
mon dessin, et puis je suis parti.
Je ne sais pas si Cléa a changé d’avis, si elle a terminé mon
dessin sur le sable. Je ne sais pas si elle a lu mon mot.
*
**
Sur la route du retour, il m’est arrivé de souhaiter qu’elle
n’y ait pas touché et que ma lettre ait été emportée par la marée.
Par pudeur peut-être. J’avais écrit qu’elle était celle à qui je
penserais en m’éveillant, je lui avais promis qu’en fermant les
yeux le soir je verrais apparaître les siens, immenses dans la
profondeur de la nuit, comme un vieux phare qui, fier d’avoir
été adopté, aurait rallumé sa lanterne. C’était probablement
maladroit de ma part.
Il me restait à faire un plein de souvenirs qui me
nourriraient pendant les saisons à venir, des réserves de
moments heureux pour l’automne, lorsque la nuit se poserait
sur le chemin de l’école.
À la rentrée, j’avais décidé de ne rien dire, parler de Cléa
pour faire enrager Élisabeth ne m’intéressait plus.
Nous ne sommes jamais retournés dans cette station
balnéaire. Ni l’année d’après, ni celles qui suivirent. Je n’ai plus
jamais eu de nouvelles de Cléa. J’ai bien pensé à lui écrire en
poste restante: Petit phare abandonné au bout d’une jetée. Mais
inscrire cette adresse eût été déjà trahir un secret.
J’ai embrassé Élisabeth deux ans plus tard. Son baiser
n’avait ni le goût du miel ni celui de la fraise, à peine un parfum
de revanche sur Marquès dont j’avais désormais la taille. Trois
mandats consécutifs de délégué de classe finissent par vous
conférer une certaine aura.
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Le jour suivant ce baiser, Élisabeth et moi nous sommes
séparés.
Je ne me suis pas représenté à l’élection, et Marquès a été
élu à ma place. Je lui laissai bien volontiers ma fonction. J’avais
pris à jamais la politique en grippe.
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Partie 2
Chapitre 4
À la peur de la nuit a succédé celle de la solitude. Je n’aime
pas dormir seul et pourtant c’est ainsi que je vis, dans un studio
sous les toits d’un immeuble non loin de la faculté de médecine.
J’ai fêté hier mes vingt ans. Avec cette fichue avance dans ma
scolarité, j’ai dû les célébrer sans avoir eu le temps de nouer des
amitiés. Les horaires de la faculté ne nous en laissent guère le
temps.
J’ai laissé mon enfance, il y a deux ans, derrière un
marronnier dans la cour d’une école, dans cette petite ville où
j’ai grandi.
Le jour de la remise des diplômes, ma mère était présente,
une collègue de travail l’avait remplacée pour l’occasion.
J’aurais juré avoir aperçu la silhouette de mon père au loin
derrière les grilles, mais j’avais dû rêver, j’ai toujours eu trop
d’imagination.
J’ai laissé mon enfance sur le chemin de la maison, où les
pluies d’automne ruisselaient sur mes épaules, dans un grenier
où je parlais aux ombres en regardant la photo de mes parents
au temps où ils s’aimaient encore.
J’ai laissé mon enfance sur un quai de gare en disant au
revoir à mon meilleur ami, fils d’un boulanger, en serrant ma
mère dans mes bras, lui promettant que je reviendrais la voir
dès que possible.
Sur ce quai de gare, je l’ai vue pleurer. Cette fois, elle
n’avait pas cherché à détourner son visage. Je n’étais plus
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l’enfant qu’elle voulait protéger de tout, y compris de ses larmes,
de cette tristesse qui ne l’avait jamais vraiment quittée.
Penché à la fenêtre du wagon, alors que le convoi
s’ébranlait, j’ai vu Luc lui prendre la main pour la consoler.
Mon monde tournait à l’envers, Luc aurait dû monter dans
ce compartiment, c’était lui le surdoué en sciences; et de nous
deux, celui qui aurait dû s’occuper d’une infirmière qui avait
consacré sa vie aux autres et surtout à son fils, c’était moi.
*
**
Quatrième année de médecine.
Maman a pris sa retraite, elle s’occupe désormais de la
bibliothèque municipale. Le mercredi, elle joue à la belote avec
trois amies.
Elle m’écrit souvent. Entre les heures de cours et les gardes
de nuit, je n’ai guère le temps de lui répondre. Elle vient me voir
deux fois par an. À l’automne comme au printemps, elle
s’installe dans un petit hôtel à deux pas de l’Hôpital
universitaire et parcourt les musées en attendant que mes
journées s’achèvent.
Nous allons nous promener le long du fleuve. Au cours de
ces balades, elle me fait parler de ma vie et me prodigue mille
conseils, sur ce qu’il faut faire pour devenir un médecin plein
d’humanité – à ses yeux c’est aussi important que d’être un bon
médecin. Elle en a fréquenté beaucoup en quarante années de
métier, elle distingue d’un coup d’œil ceux qui privilégient leur
carrière à leurs patients. Je l’écoute en silence. Après la
promenade, je l’emmène dîner dans un petit troquet qu’elle
affectionne et où elle tient toujours à payer nos repas. «Plus
tard, quand tu seras docteur, tu m’inviteras dans un grand
restaurant», me dit-elle en s’emparant chaque fois de
l’addition.
Ses traits ont changé, mais ses yeux débordent d’une
tendresse qui ne vieillit pas. Vos parents vieillissent jusqu’à un
certain âge, où leur image se fige en votre mémoire. Il suffit de
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fermer les yeux et de penser à eux pour les voir à jamais tels
qu’ils étaient, comme si l’amour qu’on leur porte avait le
pouvoir d’arrêter le temps.
À chacun de ses séjours, elle se fait un devoir de remettre
ma tanière en ordre. Lorsqu’elle repart, je trouve dans mon
armoire un lot de chemises neuves et, sur mon lit, des draps
propres dont le parfum me rappelle la chambre de mon enfance.
J’ai toujours, posées sur ma table de nuit, une lettre qu’elle
m’avait écrite à ma demande et une photo trouvée dans le
grenier.
Lorsque je la raccompagne à la gare, elle me serre dans ses
bras avant de monter dans son wagon, et son étreinte est si forte
que je crains chaque fois de ne plus jamais la revoir. Je regarde
son train disparaître dans la courbe des rails, il file vers la petite
ville où j’ai grandi, vers mon enfance qui se trouve à six heures
de l’endroit où je vis désormais.
La semaine suivant son départ, je reçois toujours une
lettre. Elle m’y raconte son voyage, ses parties de belote et me
donne une liste d’ouvrages à lire sans attendre. Je n’ai hélas
pour seule lecture que des manuels de médecine, que je révise la
nuit en préparant mon internat.
J’alterne mes gardes entre les Urgences et la pédiatrie, mes
patients demandent beaucoup d’attention. Mon chef de service
est un type bien, un professeur craint pour ses coups de gueule.
Ils se font entendre à la moindre négligence, à la moindre
erreur. Mais il nous transmet son savoir et c’est ce que nous
attendons de lui. Chaque matin, en commençant les visites, il
nous répète inlassablement que la médecine n’est pas un métier
mais une vocation.
À l’heure de ma pause, je file chercher un sandwich à la
cafétéria et m’installe dans le jardin qui borde notre pavillon. J’y
croise certains de mes petits patients, ceux qui sont en
convalescence. Ils prennent l’air en compagnie de leurs parents.
C’est là, devant un carré de pelouse fleurie, que ma vie a
chaviré pour la seconde fois.
*
**
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Je somnolais sur un banc. Faire des études de médecine,
c’est lutter en permanence contre le manque de sommeil. Une
consœur étudiante en quatrième année vint s’asseoir à côté de
moi, me sortant de ma torpeur. Sophie est une fille pétillante et
jolie, nous sommes complices et flirtons depuis des mois sans
jamais avoir donné de nom à notre relation. Nous jouons à être
amis, faisant semblant d’ignorer le désir de l’autre. Nous savons
tous deux que nous n’avons pas le temps de vivre une vraie
liaison. Ce matin-là, Sophie me parlait pour la énième fois d’un
cas qui la préoccupait. Un garçon de dix ans ne pouvait plus
s’alimenter depuis deux semaines. Aucune pathologie
n’expliquait son état, son système digestif ne montrait nul
désordre justifiant que le moindre aliment ingéré soit aussitôt
rejeté. L’enfant était sous perfusion et sa condition empirait de
jour en jour. Les trois psychologues appelés à son chevet
n’avaient pu venir à bout du mystère. Sophie était obsédée par
ce petit bonhomme, au point de ne rien vouloir faire d’autre que
de chercher une solution à son mal. Souhaitant renouer avec les
soirées hebdomadaires où nous révisions ensemble, non sans
une certaine ambiguïté, je lui promis de consulter le dossier et
de réfléchir de mon côté. Comme si nous, simples externes,
pouvions être plus intelligents que le corps médical qui œuvrait
dans cet hôpital. Mais chaque élève ne rêve-t-il pas de dépasser
ses maîtres?
Elle me parlait de la dégradation de l’état de l’enfant
lorsque mon attention fut distraite par une petite fille qui jouait
à la marelle dans l’allée du jardin. Je l’observai attentivement et
compris soudain qu’elle ne sautait pas de case en case, selon la
règle. Son jeu était d’une tout autre nature. La petite fille
bondissait à pieds joints sur son ombre, espérant ainsi la
prendre de vitesse.
Je demandai à Sophie si son petit patient était encore en
état de se déplacer en chaise roulante et lui proposai de
l’amener jusqu’ici. Sophie aurait préféré que je monte le voir
dans sa chambre mais j’insistai, la priant de ne pas perdre de
temps. Le soleil disparaîtrait bientôt derrière la toiture du
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bâtiment principal et j’avais besoin de lui. Elle rechigna mais
finit par céder.
Dès qu’elle fut partie, je m’approchai de la petite fille et lui
fis promettre de garder secret ce que je m’apprêtais à lui confier.
Elle m’écouta attentivement et accepta ma proposition.
Sophie revint un quart d’heure plus tard, poussant la
chaise où son petit malade était sanglé. La pâleur de sa peau et
ses joues émaciées témoignaient de l’état de faiblesse dans
lequel il se trouvait. Je comprenais mieux, en le voyant ainsi,
combien Sophie devait être préoccupée. Elle s’arrêta à quelques
mètres de moi, et je lus dans ses yeux qu’elle m’interrogeait;
une façon silencieuse de me demander «Et maintenant?» Je
lui suggérai de pousser la chaise roulante jusqu’à la petite fille.
Sophie s’exécuta et me rejoignit sur le banc.
― Tu penses qu’une gamine de onze ans va le soigner, c’est
ça ton remède miracle?
― Laisse-lui le temps de s’intéresser à elle.
― Elle joue à la marelle, en quoi veux-tu qu’il s’intéresse à
elle? Bon, ça suffit comme ça, je le remonte dans sa chambre.
J’attrapai Sophie par le bras et l’empêchai de partir.
― Quelques minutes au grand air ne peuvent pas lui faire
de mal. Je suis certain que tu dois avoir d’autres patients à
visiter, laisse-les-moi tous les deux, je peux les surveiller
pendant ma pause. Ne t’inquiète pas, je veille au grain.
Sophie rejoignit l’aile de pédiatrie. Je m’approchai des
enfants, ôtai les sangles qui retenaient le petit garçon à son
fauteuil et le portai dans mes bras jusqu’au carré de pelouse. Je
m’y installai, l’asseyant sur mes genoux, dos tourné aux derniers
rayons du soleil. La petite fille retourna à son jeu, ainsi que nous
en étions convenus.
― Qu’est-ce qui te fait si peur, mon bonhomme, pourquoi
te laisses-tu dépérir?
Il releva les yeux sans rien dire. Son ombre si frêle se
fondait à la mienne. L’enfant s’abandonna au creux de mes bras
et posa sa tête sur mon torse. J’ai prié pour que revienne
l’ombre de mon enfance, cela faisait si longtemps.
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Aucun enfant au monde n’aurait pu inventer ce que j’allais
entendre. Je ne sais pas qui de lui ou de son ombre me le
murmura, j’avais perdu l’habitude de ce genre de confidences.
Je portai le petit garçon jusqu’à son fauteuil et rappelai la
petite fille pour qu’elle revienne à ses côtés avant le retour de
Sophie, puis je retournai m’installer sur le banc.
Lorsque Sophie me rejoignit, je lui racontai que la
championne de saut à la marelle et son jeune patient avaient
sympathisé. Elle avait même réussi à lui faire dire ce qui le
traumatisait et accepté de me le révéler. Sophie me regarda,
interloquée.
Le petit garçon s’était entiché d’un lapin, un animal devenu
son confident, son meilleur ami. Seulement voilà, deux
semaines plus tôt, le lapin s’était fait la belle et le soir de sa
disparition, à la fin du dîner, la mère de l’enfant avait demandé
à sa famille si l’on avait apprécié le civet qu’elle avait cuisiné.
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 247 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!