Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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L’enfant en conclut aussitôt que son lapin était mort et qu’il
l’avait bouffé. Dès lors, il n’avait plus qu’une idée en tête, expier
sa faute et rejoindre son meilleur ami là où il devait se trouver.
On devrait peut-être réfléchir à deux fois avant de dire aux
enfants que ceux qui meurent s’en vont vivre, sans eux, au ciel.
Je me levai et laissai Sophie, pantoise, sur son banc.
Maintenant que j’avais découvert le problème, l’important était
de réfléchir à la façon de le résoudre.
À la fin de ma garde, je trouvai un mot dans mon casier,
Sophie m’ordonnait de la rejoindre chez elle, quelle que soit
l’heure de la nuit.
*
**
J’ai sonné à sa porte à 6 heures du matin. Sophie
m’accueillit, les yeux gonflés de sommeil; elle portait pour seul
vêtement une chemise d’homme. Je la trouvais plutôt
séduisante dans cette tenue, même si cette chemise n’était pas à
moi.
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Elle me servit une tasse de café dans sa cuisine et me
demanda comment j’avais réussi là où trois psychologues
avaient échoué.
Je lui rappelai que les enfants ont un langage que nous
avons oublié, une façon bien à eux de communiquer.
― Et tu avais imaginé qu’il se confierait à cette gamine!
― J’espérais que la chance nous sourirait, une chance,
même infime, cela vaut le coup de la tenter, non?
Sophie m’interrompit pour me confondre dans mon
mensonge. La petite fille lui avait avoué qu’elle jouait à la
marelle pendant que j’étais resté avec son patient.
― C’est sa parole contre la mienne, répondis-je en souriant
à Sophie.
― C’est drôle, répliqua-t-elle aussi sec, je lui ferais plutôt
confiance à elle qu’à toi.
― Je peux savoir qui t’a offert cette chemise?
― Je l’ai achetée dans une friperie.
― Tu vois, tu mens aussi mal que moi.
Sophie se leva et se rendit à la fenêtre.
― J’ai appelé ses parents hier à midi, ce sont des gens de la
campagne, ils ne soupçonnaient pas que leur fils s’était autant
attaché à ce lapin et voyaient encore moins pourquoi à celui-là
en particulier. Ils ne comprennent pas. Pour eux, on élève les
lapins pour les manger.
― Demande-leur dans quel état ils seraient si on les avait
obligés à manger leur chien.
― Ça ne sert à rien de les blâmer, ils sont dévastés. La mère
ne cesse de pleurer et le père n’en mène pas large. Tu as une
idée pour sortir leur enfant de cette impasse?
― Peut-être. Qu’ils trouvent un très jeune lapin, aussi roux
que l’original, et qu’ils nous l’amènent au plus vite.
― Tu veux faire entrer un lapin à l’hôpital? Si le chef de
clinique l’apprend, c’est ton idée, moi je ne te connais pas.
― Je ne t’aurais pas dénoncée. Tu peux enlever cette
chemise maintenant? Je la trouve assez moche.
*
**
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Tandis que Sophie prenait sa douche, je somnolais sur son
lit, j’étais bien trop épuisé pour rentrer chez moi. Elle
commençait son service une heure plus tard et j’en avais dix
devant moi pour récupérer un peu de sommeil. Nous nous
verrions à l’hôpital, cette nuit je travaillais aux Urgences, elle à
l’étage de pédiatrie, nous serions tous deux de garde mais dans
deux bâtiments différents.
À mon réveil, je trouvai une assiette de fromages sur la
table de la cuisine et un petit mot. Sophie m’invitait à passer la
voir dans son service si j’en avais le temps. En lavant mon
assiette, j’aperçus dans la poubelle la chemise qu’elle portait en
m’accueillant.
J’arrivai aux Urgences à minuit, l’intendante des
admissions m’annonça que la soirée était calme, j’aurais
presque pu rester chez moi, me dit-elle en inscrivant mon nom
au tableau des externes de service.
Personne ne peut expliquer pourquoi certaines nuits, les
Urgences débordent de monde en souffrance tandis que
d’autres, rien ou presque ne se passe. Vu mon état de fatigue, je
n’allais pas m’en plaindre.
Sophie me rejoignit à la cafétéria. Je m’étais assoupi, la
tête posée sur mes bras, le nez contre la table. Elle me réveilla
d’un coup de coude.
― Tu dors?
― Plus maintenant, répondis-je.
― Mes fermiers ont trouvé la perle rare, un lapereau roux,
exactement comme tu l’avais demandé.
― Où sont-ils?
― Dans un hôtel du quartier, ils attendent mes
instructions. Je suis externe en pédiatrie, pas vétérinaire, si tu
pouvais m’éclairer sur la suite de ton plan, ça m’aiderait
beaucoup.
― Appelle-les, dis-leur de se présenter aux Urgences, j’irai
les accueillir.
― À 3 heures du matin?
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― Tu as déjà vu le chef de clinique se promener dans les
couloirs à 3 heures du matin?
Sophie chercha le numéro de l’hôtel dans le petit carnet
noir qu’elle gardait toujours dans la poche de sa blouse. Je filai
vers le sas des Urgences.
Les parents de son jeune patient avaient l’air hagard.
Qu’on leur demande de se réveiller au milieu de la nuit pour
apporter un lapin à l’hôpital les étonnait autant que Sophie. Le
petit mammifère était caché dans la poche du manteau de la
mère, je les fis entrer et les présentai à l’intendante des
admissions. Un oncle et une tante de province de passage en
ville, venus me rendre visite. Elle ne s’étonna pas outre mesure
de l’heure étrange de cette réunion familiale. Pour surprendre
quelqu’un qui travaille aux Urgences d’un centre hospitalier, il
en faut bien plus que cela.
Je conduisis les parents à travers les couloirs, veillant à
éviter les infirmières de garde.
En chemin, j’expliquai à la mère du petit garçon ce que
j’attendais d’elle. Nous arrivâmes au palier de l’aile de pédiatrie.
Sophie nous y attendait.
― J’ai envoyé l’infirmière de service me chercher un thé au
distributeur de la cafétéria, je ne sais pas ce que tu as l’intention
de faire, mais fais-le vite. Elle ne tardera pas à revenir. Je nous
donne vingt minutes tout au plus, annonça Sophie.
La maman entra seule avec moi dans la chambre de son
fils. Elle s’assit sur le lit et lui caressa le front pour le réveiller.
Le petit garçon ouvrit les yeux et vit sa mère, comme dans un
rêve. Je m’assis de l’autre côté.
― Je ne voulais pas te réveiller mais j’ai quelque chose à te
montrer, lui dis-je.
Je lui promis qu’il n’avait pas mangé son lapin et que ce
dernier n’était pas mort. Il avait eu un bébé, et ce salaud s’était
aussitôt fait la belle pour aller convoler avec une autre lapine.
Certains pères font des choses comme ça.
― Le tien attend dans le couloir, tout seul derrière cette
porte au beau milieu de la nuit, parce qu’il t’aime plus que tout
au monde, comme il aime ta mère d’ailleurs. Maintenant, au cas
où tu ne me croirais pas, regarde!
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La mère sortit le lapereau de sa poche et le posa sur le lit de
son fils, le retenant entre ses mains. L’enfant fixa l’animal. Il
avança lentement la main et lui caressa la tête, la maman le lui
confia, le contact était noué.
― Ce petit lapin n’a plus personne pour veiller sur lui, il a
besoin de toi. Et si tu ne retrouves pas tes forces, il va dépérir. Il
faut vraiment que tu recommences à t’alimenter, pour t’occuper
de lui.
J’ai laissé l’enfant en compagnie de sa mère. Une fois dans
le couloir, j’ai invité son père à les rejoindre, j’avais bon espoir
que mon stratagème fonctionne. Cet homme, à l’apparence
bourrue, me prit dans ses bras et me serra contre lui. Pendant
un court instant, j’aurais voulu être ce petit garçon qui allait
retrouver son père.
*
**
En arrivant le surlendemain à l’hôpital, je découvris un
message dans mon casier. Il émanait de la secrétaire de mon
chef de service: j’étais prié de me présenter illico à son bureau.
Ce genre de convocation était une première pour moi, j’en
touchai deux mots à Sophie. L’infirmière de garde avait trouvé
des poils de lapin sur la literie du petit patient de la
chambre 302, l’enfant avait vendu la mèche contre un jus de
fruits et des céréales.
Sophie avait tout expliqué à l’infirmière et, au vu du
résultat obtenu, l’avait suppliée de garder le silence sur la
nature du remède. Hélas, certaines personnes sont plus
attachées au respect des règlements qu’à l’intelligence de s’y
dérober parfois. C’est fou comme les réglementations rassurent
ceux qui manquent d’imagination.
Après tout, j’avais survécu aux colles à répétition de
Mme Schaeffer, soixante-deux en six années de scolarité, soit un
samedi sur quatre, je travaillais dans cet hôpital quatre-vingt-
seize heures par semaine, que pouvait-il m’arriver de plus?
Je n’eus pas besoin de me rendre dans le bureau du
professeur Fernstein, le grand patron assurait lui-même la visite
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matinale accompagné de ses deux adjoints. Je me joignis au
groupe d’étudiants qui les suivait. Sophie n’en menait pas large
lorsque nous entrâmes dans la chambre 302.
Fernstein consulta la feuille accrochée au pied du lit,
silence de plomb pendant qu’il en faisait la lecture.
― Voilà donc un garçon qui a recouvré l’appétit ce matin,
heureuse nouvelle, n’est-ce pas? lança-t-il à l’assemblée.
Le psychiatre s’empressa de vanter les bienfaits de la
thérapie qu’il avait choisi d’appliquer depuis plusieurs jours.
― Et vous, dit Fernstein, en se tournant vers moi, vous
n’avez aucune autre explication pour justifier ce rétablissement
soudain?
― Pas la moindre, professeur, répondis-je en baissant la
tête.
― Vous en êtes certain? insista-t-il.
― Je n’ai pas eu le temps d’étudier le dossier de ce patient,
je passe la moitié de mon temps aux Urgences...
― Alors nous devons tous en conclure que l’équipe de psys
en charge a excellé dans son travail et lui attribuer tout le mérite
de ce succès? me demanda-t-il en m’interrompant.
― Je ne vois pas ce qui nous permettrait de penser
autrement.
Fernstein reposa la feuille au pied du lit et s’approcha du
petit garçon. Sophie et moi échangeâmes un regard, elle
enrageait. Le vieux professeur caressa les cheveux de l’enfant.
― Je suis ravi que tu ailles mieux, mon garçon, nous allons
progressivement te réalimenter et, si tout va bien, d’ici quelques
jours nous pourrons enlever ces aiguilles de ton bras et te
rendre à ta famille.
La visite se poursuivit de chambre en chambre. Lorsqu’elle
s’acheva au bout du palier, le groupe d’étudiants se dispersa,
chacun retournant à ses occupations.
Fernstein me rappela alors que je m’éclipsais.
― Deux mots, jeune homme! me dit-il.
Sophie vint vers nous et s’interposa.
― Je partage l’entière responsabilité de ce qui s’est passé,
monsieur, c’est ma faute, dit-elle.
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― J’ignore de quelle faute vous me parlez, mademoiselle,
aussi, je ne saurais trop vous conseiller de vous taire. Vous
devez avoir du travail, fichez-moi le camp!
Sophie ne se le fit pas répéter et me laissa seul en
compagnie du professeur.
― Les règlements, jeune homme, me dit-il, sont faits pour
vous permettre d’acquérir de l’expérience sans tuer trop de
patients, et l’expérience acquise vous permet d’y déroger.
J’ignore comment vous avez accompli ce petit miracle, ou ce qui
vous a mis sur la piste, et je serais ravi qu’un jour vous ayez
l’extrême bonté de m’en toucher un mot, je n’ai eu droit qu’aux
grandes lignes. Mais pas aujourd’hui, sans quoi je serais dans
l’obligation de vous sanctionner et je suis de ceux qui pensent
que dans nos métiers, seul le résultat compte. En attendant,
vous devriez considérer la pédiatrie pour votre internat.
Lorsque l’on a un don, il est dommage de le gâcher, vraiment
dommage.
Sur ces mots, le vieux professeur se retourna sans me
saluer.
Ma garde achevée, je rentrai chez moi, préoccupé. Toute la
journée et toute la nuit, j’avais ressenti une impression
d’inachevé qui me pesait, sans que je réussisse à en identifier la
cause.
*
**
La semaine fut infernale, les Urgences ne désemplissaient
pas et mes gardes se prolongeaient bien au-delà des vingt-
quatre heures usuelles.
Je retrouvai Sophie le samedi matin, les yeux plus cernés
que jamais.
Nous nous étions donné rendez-vous dans un parc, devant
le grand bassin où des enfants jouaient à faire naviguer des
modèles réduits.
En arrivant, elle me tendit un panier rempli d’œufs, de
salaisons et d’un pâté.
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― Tiens me dit-elle, c’est de la part des fermiers, ils l’ont
déposé pour toi hier à l’hôpital, tu étais déjà parti, ils m’ont
chargée de te le remettre.
― Promets-moi que ce n’est pas de la terrine de lièvre!
― Non, c’est du cochon. Les œufs sont tout frais. Si tu viens
chez moi ce soir, je te ferai une omelette.
― Comment va ton malade?
― Il reprend des couleurs un peu plus chaque jour, il
sortira bientôt.
Je me penchai en arrière sur ma chaise, mains derrière la
nuque, et profitai de la chaleur des rayons du soleil.
― Comment as-tu fait? me demanda Sophie. Trois psys
ont tout tenté pour le faire parler, et toi en quelques minutes
passées avec lui dans le jardin tu as réussi...
J’étais trop fatigué pour lui donner l’explication logique
qu’elle voulait entendre. Sophie avait besoin de rationnel et
c’était ce dont je manquais le plus à l’instant où elle me parlait.
Les mots sortirent de ma bouche sans que j’y réfléchisse,
comme si une force me poussait à dire tout haut ce que je
n’avais encore jamais osé avouer, pas même à moi.
― Ce petit garçon ne m’a rien dit, c’est son ombre qui m’a
confié de quoi il souffrait.
J’ai reconnu soudain dans les yeux de Sophie le regard
désolé que ma mère m’avait adressé un jour dans le grenier.
Elle resta silencieuse quelques instants, puis se leva.
― Ce ne sont pas nos études qui nous empêchent de vivre
une vraie relation, dit-elle, la lèvre tremblante. Nos horaires ne
sont qu’un prétexte. La véritable raison, c’est que tu ne me fais
pas assez confiance.
― C’est peut-être en effet une question de confiance, sinon,
tu m’aurais cru, répondis-je.
Sophie s’en est allée. J’ai attendu quelques secondes et une
petite voix au fond de moi m’a traité d’imbécile. Alors j’ai couru
derrière elle pour la rattraper.
― J’ai eu de la chance, voilà tout, je lui ai posé les bonnes
questions. Je suis allé puiser dans ma propre enfance, je lui ai
demandé s’il avait perdu un ami, je l’ai fait parler de ses parents
et de fil en aiguille j’ai soulevé le lièvre, enfin, façon de parler...
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C’était juste un coup de bol, et je n’en tire aucune gloire.
Pourquoi accordes-tu tant d’importance à cela, il est en voie de
guérison. C’est ce qui compte, non?
― J’ai passé des heures au chevet de ce môme sans jamais
entendre le son de sa voix, et toi tu veux me faire croire qu’en
quelques minutes tu as réussi à lui faire te raconter sa vie?
Je n’avais encore jamais vu Sophie dans un tel état de
colère.
Je la pris dans mes bras et, ce faisant, sans que j’y prête
attention, mon ombre chevaucha la sienne.
«Je n’ai aucun talent, je n’excelle dans aucun domaine,
mes professeurs ne cessaient de me le répéter. Je n’ai pas été la
petite fille dont mon père rêvait; de toute façon, c’est un fils
qu’il voulait. Pas assez jolie, trop maigre ou trop grosse selon les
âges, bonne élève mais loin d’être la meilleure... Je n’ai pas le
souvenir d’avoir entendu le moindre compliment venant de lui.
Rien en moi ne trouvait grâce à ses yeux.»
Dans l’ombre de Sophie, j’ai entendu le murmure de cette
confidence et cela m’a rapproché d’elle. Je l’ai prise par la main.
― Suis-moi, j’ai un secret à te confier.
Sophie s’est laissé entraîner vers un peuplier, nous nous
sommes allongés sur l’herbe, à l’ombre des branches où il faisait
un peu plus frais.
― Mon père est parti un samedi matin où je rentrais d’une
colle, héritée la première semaine de la rentrée. Il m’attendait
dans la cuisine pour m’annoncer son départ. Toute mon
enfance, je me suis reproché de ne pas avoir été quelqu’un
d’assez bien pour lui avoir donné envie de rester à la maison.
J’ai passé des nuits entières à chercher la faute que j’avais pu
commettre, en quoi j’avais pu le décevoir. Je ne cessais de me
répéter que si j’avais été un enfant brillant, capable de le rendre
fier, il ne m’aurait pas quitté. Je savais qu’il aimait une autre
femme que ma mère, mais il fallait que je me rende responsable
de son absence. Parce que la douleur était le seul moyen de
résister à la peur d’oublier son visage, de me rappeler qu’il
existait, que j’étais comme les copains de ma classe, et que moi
aussi j’avais un père.
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― Pourquoi me dis-tu ça maintenant?
― Tu voulais que l’on se fasse confiance, non? Cette façon
d’être terrorisée dès qu’une situation te dépasse, de t’isoler dès
que tu crois échouer... Je te dis cela maintenant parce qu’il n’y a
pas que les mots qui permettent d’entendre ce que l’autre
n’arrive pas à formuler. Ton petit patient crevait de solitude, à
s’en laisser dépérir, il était devenu l’ombre de lui-même. C’est sa
tristesse qui m’a guidé jusqu’à lui.
Sophie baissa les yeux.
― J’ai toujours eu des rapports conflictuels avec mon père,
avoua-t-elle.
Je ne répondis pas, Sophie posa sa tête contre moi et nous
restâmes silencieux un moment. J’écoutais le chant des
fauvettes au-dessus de nos têtes, il résonnait comme un
reproche de ne pas être allé au bout de ce que je devais dire,
alors je pris mon courage à deux mains.
― J’aurais adoré avoir des rapports avec le mien, même
conflictuels. Ce n’est pas parce qu’un père trop exigeant est
inapte au bonheur que sa fille doit suivre le même chemin que
lui. Le jour où ton père tombera malade, il appréciera à sa juste
valeur ce que tu fais dans la vie. Bon, ça tient toujours ta
proposition de me faire une omelette chez toi?
*
**
Le petit patient de Sophie n’est pas sorti de l’hôpital. Cinq
jours après qu’il eut commencé à se réalimenter, des
complications se développèrent et il fallut le perfuser à nouveau.
Au cours d’une nuit, il eut une hémorragie intestinale, l’équipe
de réanimation fit tout son possible, sans succès. C’est Sophie
qui annonça son décès aux parents, ce rôle était normalement
dévolu à l’interne de service mais elle se trouvait seule, assise au
pied d’un lit vide quand les parents entrèrent dans la
chambre 302.
J’appris la nouvelle alors que je prenais ma pause dans le
jardin. Sophie me rejoignit; impossible de trouver les mots
justes pour la consoler. Je la serrai très fort contre moi. Le
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conseil que Fernstein m’avait prodigué dans le couloir de
l’hôpital me hantait. Impuissant à guérir, impuissant à consoler,
j’aurais voulu pouvoir frapper à la porte de son bureau et lui
demander de l’aide, mais ces choses-là ne se font pas.
La petite fille à la marelle se présenta devant nous. Elle
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 194 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!