Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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évoqués la veille, devant la grille de l’école. Malgré les regards
que je lui lançais, Luc lui raconta mes mésaventures avec
Marquès, l’épisode du casier, la façon dont il m’aidait chaque
année à remporter l’élection du délégué, même l’épisode de
l’incendie de la remise y passa. Au fil de la conversation le rire
de Luc redevint tel qu’il était jadis, si franc, si communicatif.
― À quelle heure repartez-vous? s’enquit-il.
Sophie reprenait son service à minuit et moi le lendemain
matin. Nous prendrions un train en début d’après-midi. Luc
bâilla, il luttait contre la fatigue. Sophie monta préparer son sac,
nous laissant seuls tous les deux.
― Tu reviendras? me demanda Luc.
― Bien sûr, lui répondis-je.
― Essaie que ce soit un lundi, enfin si tu peux, la
boulangerie est fermée le mardi, tu t’en souviens? Nous
pourrons passer une vraie soirée ensemble, ça me ferait plaisir.
On n’a pas eu beaucoup de temps, j’aimerais que tu continues
de me raconter ce que tu fais là-bas.
― Luc, pourquoi tu ne viens pas avec moi? Pourquoi ne
pas tenter ta chance? Tu rêvais de faire des études de médecine.
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En attendant que tu obtiennes une bourse, je pourrais te trouver
un emploi de brancardier pour arrondir les fins de mois, et puis
tu n’aurais pas à t’inquiéter de payer un loyer, mon studio n’est
pas bien grand mais nous pourrions le partager.
― Tu veux que je reprenne des études maintenant? C’était
il y a cinq ans qu’il fallait me proposer ça, mon vieux!
― Qu’est-ce que ça peut bien faire si tu t’y mets un peu plus
tard que les autres? Tu as déjà vu quelqu’un demander l’âge
d’un médecin en entrant dans son cabinet?
― Je me retrouverais en cours avec des gens bien plus
jeunes que moi et je n’ai pas envie d’être le Marquès de la classe.
― Pense à toutes les Élisabeth qui succomberont au
charme de ta maturité.
― Évidemment, répliqua Luc songeur, vu sous cet angle...
Et puis arrête de me faire rêver. Quelques secondes comme ça,
ça me fait du bien, mais quand tu auras repris ton train, ça me
fera encore plus mal.
― Qu’est-ce qui t’en empêche? Réfléchis, c’est de ta vie
qu’il s’agit.
― Et de celles de mon père, de ma mère, de ma petite
sœur, ils ont tous besoin de moi. Une bagnole à trois roues, c’est
une bagnole qui part dans le fossé. Tu ne peux pas comprendre
ce que c’est qu’une famille.
Luc baissa la tête et plongea le nez dans sa tasse de café.
― Pardon, me dit-il, ce n’est pas ce que je voulais dire. La
vérité, mon vieux, c’est que mon paternel ne me laisserait
jamais partir. Il a besoin de moi, je suis son bâton de vieillesse,
il compte sur moi pour reprendre la boulangerie quand il sera
trop vieux pour se lever la nuit.
― Dans vingt ans, Luc! Ton père sera trop vieux dans vingt
ans, et puis tu as une petite sœur, non?
Luc éclata de rire.
― Tiens, j’aimerais bien voir mon père lui apprendre le
métier, c’est elle qui le mènerait à la baguette. Avec moi il est
intraitable mais elle, elle réussit à en faire ce qu’elle veut.
Luc se leva et se dirigea vers la porte.
― Ça m’a fait plaisir de te revoir, tu sais. N’attends pas
aussi longtemps avant de repasser. Après tout, même si un jour
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tu deviens un grand professeur, même si tu habites un bel
appartement dans les beaux quartiers d’une grande ville, chez
toi, ce sera toujours ici.
Luc me donna l’accolade et s’apprêta à partir. Alors qu’il se
tenait sur le pas de la porte, je le retins un court instant.
― À quelle heure tu commences ton boulot?
― Qu’est-ce que ça peut bien faire?
― Moi aussi je travaille de nuit, alors si je connais tes
horaires, lorsque je serai aux Urgences, je me sentirai moins
seul. Il me suffira de regarder la pendule et je pourrai imaginer
ce que tu es en train de faire.
Luc me regarda avec un drôle d’air.
― Tu m’as posé des questions sur ce que nous faisions à
l’hôpital, tu peux bien me raconter comment se passe ta vie
dans ton fournil.
― Dès 3 heures du matin on nourrit le levain maître, il faut
le mélanger à la farine, à l’eau, au sel et à la levure pour
démarrer la pâte. Après un premier pétrissage, on la pousse
dans une fermentation qui permet au levain d’entrer en action.
Vers 4 heures du matin, on fait une pause pendant le pointage.
Quand il fait doux, j’ouvre la porte qui donne sur la ruelle
derrière la boulangerie et j’installe deux tabourets. Papa et moi
y prenons un café. On ne se dit pas grand-chose pendant ces
moments-là, mon père prétend qu’il ne faut pas faire de bruit
pour laisser la pâte reposer, c’est surtout lui qui se repose, il en
a besoin maintenant. Aussitôt mon café avalé, je le laisse
sommeiller une petite heure sur sa chaise, adossé au mur de
pierre. Je rentre nettoyer les plaques et j’étends les feuilles de
lin sur lesquelles on couchera le pain.
«Lorsque mon père me rejoint, on fait l’apprêt pour la
deuxième fermentation. On divise la pâte, on la façonne, on
lame chaque miche pour avoir une belle grigne, et puis enfin, on
enfourne.
«Chaque nuit, nous reprenons les mêmes gestes, chaque
fois, le défi est différent, le résultat jamais acquis. S’il fait froid,
la pâte prend plus de temps à fermenter, il faut rajouter de l’eau
chaude et de la levure; s’il fait chaud, elle réclame de l’eau
glacée sinon elle sèche trop vite. On ne peut pas faire du bon
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pain sans prêter attention à chaque détail, même au temps qu’il
fait dehors; les boulangers n’aiment pas la pluie, ça rend le
travail plus long.
«À 6 heures, nous sortons la première fournée du matin.
Le temps de laisser refroidir les pains et on les monte à la
boulangerie. Voilà, mon vieux, mais si tu crois que ce que je
viens de te dire fera de toi un boulanger, eh bien tu te trompes.
Remarque, tes récits d’hôpital ne feront pas de moi un médecin.
Allez, il faut vraiment que j’aille dormir, embrasse ta mère pour
moi et surtout ta copine. C’est drôlement joli la façon dont elle
te regarde, tu as de la chance, et je suis sincèrement heureux
pour toi.
Après le départ de Luc, je rejoignis ma mère dans son
jardin. Je la trouvai accroupie devant une rangée de rosiers. La
pluie avait couché ses fleurs et elle les redressait
méticuleusement.
― Mes genoux me font mal, gémit-elle en se relevant. Toi,
tu as meilleure mine qu’hier. Tu devrais rester quelques jours
pour reprendre des forces.
Je n’ai pas répondu, je regardais tes yeux qui me
souriaient. Si tu savais combien j’aurais voulu que tu me fasses
un mot d’excuse comme lorsque tu avais le pouvoir de tout
pardonner, même l’absence.
― Vous allez bien ensemble, me dit ma mère en me
prenant par le bras.
Comme je ne répondais toujours pas, elle poursuivit son
monologue.
― Sinon tu ne l’aurais pas emmenée visiter ton grenier hier
soir. Tu sais, j’entends tout dans cette maison, j’ai toujours tout
entendu. Après ton départ, il m’est arrivé d’y monter. Quand tu
me manquais trop, je soulevais la trappe et j’allais m’asseoir
devant la lucarne. Je ne sais pas pourquoi, mais là-haut j’avais
l’impression de me rapprocher de toi, comme si en regardant à
travers la vitre je te devinais dans le lointain. Cela fait
longtemps que je n’y suis plus retournée; je te l’ai dit, mes
genoux me font mal et il faut avancer à quatre pattes au milieu
de tout ce bric-à-brac. Oh, ne fais pas cette tête-là, je te promets
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que je n’ai jamais ouvert une de tes boîtes. Ta mère a ses
défauts, mais je ne suis pas indiscrète.
― Je ne te reproche rien, lui dis-je.
Maman posa sa main sur ma joue.
― Sois honnête avec toi et surtout avec elle; si ce n’est pas
de l’amour que tu ressens, ne la laisse pas espérer, c’est une fille
bien.
― Pourquoi me dis-tu ça?
― Parce que tu es mon fils et que je te connais comme si je
t’avais fait.
Maman m’a prié d’aller rejoindre Sophie et de la laisser à la
taille de ses rosiers. Je suis remonté dans la chambre. Sophie
était accoudée à la fenêtre, le regard dans le vide.
― Tu m’en voudrais de te laisser rentrer seule?
Sophie se retourna.
― Pour les cours, je pourrai prendre des notes pour deux,
mais tu es de garde lundi soir si je ne me trompe pas?
― Justement, c’est le deuxième service que je voulais te
demander. Si tu pouvais aller dire au responsable du service que
je suis malade, rien de grave, une angine que j’ai préféré soigner
pour ne pas contaminer les patients. J’ai juste besoin de vingt-
quatre heures.
― Non je ne t’en voudrais pas, tu n’as presque pas vu ta
mère et une soirée en ta compagnie lui ferait sûrement plaisir.
Puisque je voyagerai seule, je trouverai bien le temps de
réfléchir à une excuse plus valable.
Maman se réjouit que je reste un peu plus que prévu.
J’empruntai sa voiture et raccompagnai Sophie à la gare.
Elle m’embrassa sur la joue et sourit malicieusement avant
de grimper dans son compartiment. Les fenêtres des trains ne
s’ouvrent plus, on ne peut pas se dire au revoir comme avant. Le
convoi s’ébranla, Sophie m’adressa un petit signe de la main et
j’attendis sur le quai que les feux du dernier wagon
disparaissent.
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Chapitre 6
― Qu’est-ce qui ne va pas? s’enquit ma mère alors que je
rentrais dans la maison.
― Tout va bien, de quoi t’inquiètes-tu?
― Tu as retardé ton retour et laissé ton amie, juste pour
passer une soirée avec ta mère?
Je m’assis à côté d’elle à la table de la cuisine et pris ses
mains dans les miennes.
― Tu me manques, lui dis-je en l’embrassant sur le front.
― Bon, j’espère que tu me diras plus tard ce qui te
préoccupe.
Nous avons dîné au salon, maman nous avait préparé mon
plateau-repas préféré, jambon et coquillettes, comme autrefois.
Elle s’est assise sur le canapé à côté de moi et m’a regardé me
régaler, sans toucher à son assiette.
Je m’apprêtais à débarrasser quand elle m’a pris la main et
m’a dit que la vaisselle pouvait attendre. Elle m’a demandé si je
voulais bien l’inviter dans mon grenier. Je l’ai accompagnée
jusqu’aux combles, j’ai tiré l’échelle, repoussé la trappe, et nous
sommes allés nous installer face à la lucarne.
J’ai hésité un moment avant de lui poser une question qui
me brûlait les lèvres depuis si longtemps.
― Tu n’as jamais eu de nouvelles de papa?
Maman plissa les paupières. J’ai retrouvé dans ses yeux ce
regard d’infirmière qu’elle prenait lorsqu’elle cherchait à savoir
si je couvais quelque chose ou si je feignais d’être malade pour
échapper à un contrôle d’histoire ou de mathématiques.
― Tu penses encore souvent à lui? me questionna-t-elle.
― Lorsqu’un homme de son âge se présente aux Urgences,
je ressens toujours une appréhension, j’ai peur que ce soit lui, et
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je me demande chaque fois ce que je ferais s’il ne me
reconnaissait pas.
― Il te reconnaîtrait tout de suite.
― Pourquoi n’est-il jamais revenu me voir?
― J’ai mis longtemps à lui pardonner. Probablement trop
longtemps. Cela m’a fait dire des choses que je regrette, mais
c’est parce que je l’aimais encore. Je n’ai jamais cessé d’aimer
ton père. On fait des choses terribles quand l’amour et la haine
se confondent, des choses que l’on se reproche plus tard. Ce
dont je l’accablais le plus n’était pas de m’avoir quittée, j’avais
fini par en accepter ma part de responsabilité. Mon désespoir
était de l’imaginer heureux auprès d’une autre femme. J’en ai
tant voulu à ton père de l’avoir aimée à ce point. Il faut que je te
fasse une confidence, et je sais que ta mère te paraîtra démodée
en te disant cela, mais il est le seul homme que j’ai connu. Si je
le revoyais aujourd’hui, je le remercierais de m’avoir fait le plus
cadeau qui soit: toi.
Ce n’est pas l’ombre de ma mère qui me fit cette
confidence, mais bien elle.
Je l’ai prise contre moi et je lui ai dit que je l’aimais.
Certains instants précieux de la vie tiennent finalement à
peu de chose. Si je n’étais pas resté ce soir-là, je crois que jamais
je n’aurais eu cette conversation avec ma mère. Lorsque nous
avons quitté le grenier, je me suis retourné une dernière fois
vers la lucarne et, silencieusement, j’ai remercié mon ombre.
*
**
J’avais réglé mon réveil pour qu’il sonne à 3 heures du
matin. Je m’habillai et quittai la maison sur la pointe des pieds
pour emprunter le chemin de l’école. À cette heure-là, la ville
était déserte. Le rideau de fer occultait la vitrine de la
boulangerie, je la dépassai et tournai discrètement dans la ruelle
adjacente. Debout, dans la pénombre, à cinquante mètres d’une
petite porte en bois, je guettai le bon moment.
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À 4 heures, Luc et son père sont sortis du fournil. Comme
il me l’avait raconté, je l’ai vu installer deux chaises contre le
mur, son père s’est assis en premier. Luc lui a servi du café et ils
sont restés là tous les deux, sans rien dire. Le père de Luc a vidé
sa tasse, l’a posée par terre et a fermé les yeux. Luc le regardait,
il a soupiré, ramassé la tasse de son père et est rentré dans le
fournil. C’était le moment que je guettais, j’ai pris mon courage
à deux mains et je me suis avancé.
Luc est mon ami d’enfance, mon meilleur ami; pourtant,
aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais connu son
père. Lorsque je me rendais chez lui, nous devions veiller à ne
pas faire de bruit. Cet homme qui vivait la nuit et dormait
l’après-midi me terrorisait. Je l’imaginais tel un fantôme rôdant
au-dessus de nous dès qu’on levait la tête de nos devoirs. Ce
boulanger que je n’ai jamais vraiment rencontré, je lui dois
certainement une part de mon assiduité scolaire et d’avoir
échappé à quelques-unes de ces colles que Mme Schaeffer
prenait tant de plaisir à distribuer. Sans la crainte qu’il
m’inspirait, un bon nombre de mes devoirs n’auraient pas été
rendus à temps. Ce soir, je m’adresserais enfin à lui, la première
chose à faire était de le réveiller et de me présenter.
J’avais peur qu’il sursaute et attire l’attention de Luc. J’ai
tapoté sur son épaule.
Il a cligné des yeux sans avoir l’air plus étonné que cela, et,
à ma grande surprise, m’a dit:
― C’est toi le copain de Luc, non? Je te reconnais, tu as un
peu vieilli mais pas tant que ça. Ton ami est à l’intérieur. Je
veux bien que tu ailles le saluer mais pas trop longtemps, ce
n’est pas le travail qui manque.
Je lui ai confié que ce n’était pas Luc que je venais voir. Le
boulanger m’a regardé longuement, il s’est levé et m’a fait signe
de l’attendre plus loin dans la ruelle. Entrebâillant la porte du
fournil, il a crié à son fils qu’il allait se dégourdir un peu les
jambes. Puis il m’a rejoint.
Le père de Luc m’a écouté sans m’interrompre. Lorsque
nous sommes arrivés au bout de la ruelle, il m’a serré la main
avec force et m’a dit:
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― Maintenant fous-moi le camp!
Et il est reparti sans se retourner.
Je suis rentré tête basse, furieux d’avoir échoué dans la
mission qui m’était confiée. C’était la première fois.
*
**
De retour à la maison j’ai pris mille précautions pour faire
tourner le loquet de la porte sans faire de bruit. Peine perdue, la
lumière s’alluma et je vis ma mère, debout en robe de chambre,
devant la porte de la cuisine.
― Tu sais, me dit-elle, à ton âge, tu n’as plus besoin de faire
le mur.
― Je suis juste allé marcher, je n’arrivais pas à dormir.
― Parce que tu crois que je n’ai pas entendu sonner ton
réveil tout à l’heure?
Ma mère alluma un feu à la gazinière et mit la bouilloire à
chauffer.
― Il est trop tard pour retourner se coucher, me dit-elle,
assieds-toi, je vais te faire du café, et toi, tu vas me dire
pourquoi tu es resté une nuit de plus et surtout ce que tu faisais
dehors à cette heure-là.
Je me suis installé à la table et lui ai raconté ma visite au
père de Luc.
Quand j’eus fini le récit de ma lamentable expédition,
maman posa ses deux mains sur mes épaules et me regarda
droit dans les yeux.
― Tu ne peux pas te mêler ainsi de la vie des autres, même
pour leur bien. Si Luc apprenait que tu es allé voir son père, il
pourrait t’en vouloir. C’est à lui et à lui seul de décider de sa vie.
Il faut que tu te fasses une raison et que tu te résignes à grandir.
Tu n’es pas obligé de soigner les maux de tous ceux qui croisent
ton chemin. Même en devenant le meilleur des médecins, tu n’y
arriverais pas.
― Mais toi, ce n’est pas ce que tu as essayé de faire toute ta
vie? Ce n’était pas pour ça que tu rentrais si fatiguée le soir?
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― Je crois, mon chéri, me dit-elle en se levant, que tu as
hélas hérité de la naïveté de ta mère et du caractère têtu de ton
père.
*
**
J’ai pris le premier train du matin. Ma mère m’a
raccompagné à la gare. Sur le quai, je lui ai promis de revenir la
voir bientôt. Elle a souri.
― Quand tu étais gosse et que je venais éteindre ta lumière,
tu me demandais chaque soir: «Maman, c’est quand le
prochain jour?» Je te répondais «Bientôt» et chaque fois, en
refermant la porte de ta chambre, j’avais la conviction que ma
réponse ne t’avait pas convaincu. Je crois qu’à nos âges, les rôles
se sont inversés. Alors «à bientôt» mon cœur, prends soin de
toi.
Je suis monté dans mon wagon et j’ai regardé par la vitre la
silhouette de maman, emportée par la distance alors que le train
s’éloignait.
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Chapitre 7
Je reçus la première lettre de ma mère dix jours après mon
retour. Comme dans chacune de ses correspondances, elle me
demandait de mes nouvelles, espérant une réponse rapide. Il
s’écoulait souvent plusieurs semaines avant que je trouve la
force, en rentrant chez moi, de lui faire ce plaisir. Le peu
d’empressement que montrent les enfants envers leurs parents
en grandissant confine à l’égoïsme pur. Je m’en sentais d’autant
plus coupable que je gardais tous ses messages dans une boîte
posée sur une étagère de ma bibliothèque, telle une présence
bienveillante.
Sophie et moi ne nous étions presque pas revus depuis
notre escapade, nous n’avions pas même passé une nuit
ensemble. Durant ce court séjour dans la maison de mon
enfance, une ligne s’était tracée entre nous, que ni elle ni moi ne
réussissions à franchir. Lorsque je pris le stylo pour écrire à ma
mère, mes derniers mots étaient pour lui dire que Sophie
l’embrassait. Le jour suivant ce mensonge, j’allai la chercher
dans son service et lui avouai qu’elle me manquait. Le
lendemain, elle accepta que je l’emmène au cinéma, mais à la fin
de la séance, elle préféra rentrer chez elle.
Depuis un mois, Sophie se laissait séduire par un interne
en pédiatrie, décidant pour nous deux de mettre fin au règne de
nos incertitudes. Peut-être plus encore des miennes. Savoir
qu’un autre homme risquait de s’emparer de ce que je ne me
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 155 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!