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Jack London. Love Of Live. Stories 11 ñòðàíèöà



évoqués la veille, devant la grille de l’école. Malgré les regards

que je lui lançais, Luc lui raconta mes mésaventures avec

Marquès, l’épisode du casier, la façon dont il m’aidait chaque

année à remporter l’élection du délégué, même l’épisode de

l’incendie de la remise y passa. Au fil de la conversation le rire

de Luc redevint tel qu’il était jadis, si franc, si communicatif.

― À quelle heure repartez-vous? s’enquit-il.

Sophie reprenait son service à minuit et moi le lendemain

matin. Nous prendrions un train en début d’après-midi. Luc

bâilla, il luttait contre la fatigue. Sophie monta préparer son sac,

nous laissant seuls tous les deux.

― Tu reviendras? me demanda Luc.

― Bien sûr, lui répondis-je.

― Essaie que ce soit un lundi, enfin si tu peux, la

boulangerie est fermée le mardi, tu t’en souviens? Nous

pourrons passer une vraie soirée ensemble, ça me ferait plaisir.

On n’a pas eu beaucoup de temps, j’aimerais que tu continues

de me raconter ce que tu fais là-bas.

― Luc, pourquoi tu ne viens pas avec moi? Pourquoi ne

pas tenter ta chance? Tu rêvais de faire des études de médecine.

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En attendant que tu obtiennes une bourse, je pourrais te trouver

un emploi de brancardier pour arrondir les fins de mois, et puis

tu n’aurais pas à t’inquiéter de payer un loyer, mon studio n’est

pas bien grand mais nous pourrions le partager.

― Tu veux que je reprenne des études maintenant? C’était

il y a cinq ans qu’il fallait me proposer ça, mon vieux!

― Qu’est-ce que ça peut bien faire si tu t’y mets un peu plus

tard que les autres? Tu as déjà vu quelqu’un demander l’âge

d’un médecin en entrant dans son cabinet?

― Je me retrouverais en cours avec des gens bien plus

jeunes que moi et je n’ai pas envie d’être le Marquès de la classe.

― Pense à toutes les Élisabeth qui succomberont au

charme de ta maturité.

― Évidemment, répliqua Luc songeur, vu sous cet angle...

Et puis arrête de me faire rêver. Quelques secondes comme ça,

ça me fait du bien, mais quand tu auras repris ton train, ça me

fera encore plus mal.

― Qu’est-ce qui t’en empêche? Réfléchis, c’est de ta vie

qu’il s’agit.

― Et de celles de mon père, de ma mère, de ma petite

sœur, ils ont tous besoin de moi. Une bagnole à trois roues, c’est

une bagnole qui part dans le fossé. Tu ne peux pas comprendre

ce que c’est qu’une famille.

Luc baissa la tête et plongea le nez dans sa tasse de café.

― Pardon, me dit-il, ce n’est pas ce que je voulais dire. La

vérité, mon vieux, c’est que mon paternel ne me laisserait

jamais partir. Il a besoin de moi, je suis son bâton de vieillesse,

il compte sur moi pour reprendre la boulangerie quand il sera

trop vieux pour se lever la nuit.

― Dans vingt ans, Luc! Ton père sera trop vieux dans vingt

ans, et puis tu as une petite sœur, non?

Luc éclata de rire.

― Tiens, j’aimerais bien voir mon père lui apprendre le

métier, c’est elle qui le mènerait à la baguette. Avec moi il est

intraitable mais elle, elle réussit à en faire ce qu’elle veut.

Luc se leva et se dirigea vers la porte.

― Ça m’a fait plaisir de te revoir, tu sais. N’attends pas

aussi longtemps avant de repasser. Après tout, même si un jour

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tu deviens un grand professeur, même si tu habites un bel

appartement dans les beaux quartiers d’une grande ville, chez

toi, ce sera toujours ici.

Luc me donna l’accolade et s’apprêta à partir. Alors qu’il se

tenait sur le pas de la porte, je le retins un court instant.

― À quelle heure tu commences ton boulot?

― Qu’est-ce que ça peut bien faire?

― Moi aussi je travaille de nuit, alors si je connais tes

horaires, lorsque je serai aux Urgences, je me sentirai moins

seul. Il me suffira de regarder la pendule et je pourrai imaginer

ce que tu es en train de faire.

Luc me regarda avec un drôle d’air.

― Tu m’as posé des questions sur ce que nous faisions à

l’hôpital, tu peux bien me raconter comment se passe ta vie

dans ton fournil.

― Dès 3 heures du matin on nourrit le levain maître, il faut

le mélanger à la farine, à l’eau, au sel et à la levure pour

démarrer la pâte. Après un premier pétrissage, on la pousse

dans une fermentation qui permet au levain d’entrer en action.

Vers 4 heures du matin, on fait une pause pendant le pointage.

Quand il fait doux, j’ouvre la porte qui donne sur la ruelle

derrière la boulangerie et j’installe deux tabourets. Papa et moi

y prenons un café. On ne se dit pas grand-chose pendant ces

moments-là, mon père prétend qu’il ne faut pas faire de bruit

pour laisser la pâte reposer, c’est surtout lui qui se repose, il en

a besoin maintenant. Aussitôt mon café avalé, je le laisse

sommeiller une petite heure sur sa chaise, adossé au mur de

pierre. Je rentre nettoyer les plaques et j’étends les feuilles de

lin sur lesquelles on couchera le pain.

«Lorsque mon père me rejoint, on fait l’apprêt pour la

deuxième fermentation. On divise la pâte, on la façonne, on

lame chaque miche pour avoir une belle grigne, et puis enfin, on

enfourne.

«Chaque nuit, nous reprenons les mêmes gestes, chaque

fois, le défi est différent, le résultat jamais acquis. S’il fait froid,

la pâte prend plus de temps à fermenter, il faut rajouter de l’eau

chaude et de la levure; s’il fait chaud, elle réclame de l’eau

glacée sinon elle sèche trop vite. On ne peut pas faire du bon

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pain sans prêter attention à chaque détail, même au temps qu’il

fait dehors; les boulangers n’aiment pas la pluie, ça rend le

travail plus long.

«À 6 heures, nous sortons la première fournée du matin.

Le temps de laisser refroidir les pains et on les monte à la

boulangerie. Voilà, mon vieux, mais si tu crois que ce que je

viens de te dire fera de toi un boulanger, eh bien tu te trompes.

Remarque, tes récits d’hôpital ne feront pas de moi un médecin.

Allez, il faut vraiment que j’aille dormir, embrasse ta mère pour

moi et surtout ta copine. C’est drôlement joli la façon dont elle

te regarde, tu as de la chance, et je suis sincèrement heureux

pour toi.

Après le départ de Luc, je rejoignis ma mère dans son

jardin. Je la trouvai accroupie devant une rangée de rosiers. La

pluie avait couché ses fleurs et elle les redressait

méticuleusement.

― Mes genoux me font mal, gémit-elle en se relevant. Toi,

tu as meilleure mine qu’hier. Tu devrais rester quelques jours

pour reprendre des forces.

Je n’ai pas répondu, je regardais tes yeux qui me

souriaient. Si tu savais combien j’aurais voulu que tu me fasses

un mot d’excuse comme lorsque tu avais le pouvoir de tout

pardonner, même l’absence.

― Vous allez bien ensemble, me dit ma mère en me

prenant par le bras.

Comme je ne répondais toujours pas, elle poursuivit son

monologue.

― Sinon tu ne l’aurais pas emmenée visiter ton grenier hier

soir. Tu sais, j’entends tout dans cette maison, j’ai toujours tout

entendu. Après ton départ, il m’est arrivé d’y monter. Quand tu

me manquais trop, je soulevais la trappe et j’allais m’asseoir

devant la lucarne. Je ne sais pas pourquoi, mais là-haut j’avais

l’impression de me rapprocher de toi, comme si en regardant à

travers la vitre je te devinais dans le lointain. Cela fait

longtemps que je n’y suis plus retournée; je te l’ai dit, mes

genoux me font mal et il faut avancer à quatre pattes au milieu

de tout ce bric-à-brac. Oh, ne fais pas cette tête-là, je te promets

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que je n’ai jamais ouvert une de tes boîtes. Ta mère a ses

défauts, mais je ne suis pas indiscrète.

― Je ne te reproche rien, lui dis-je.

Maman posa sa main sur ma joue.

― Sois honnête avec toi et surtout avec elle; si ce n’est pas

de l’amour que tu ressens, ne la laisse pas espérer, c’est une fille

bien.

― Pourquoi me dis-tu ça?

― Parce que tu es mon fils et que je te connais comme si je

t’avais fait.

Maman m’a prié d’aller rejoindre Sophie et de la laisser à la

taille de ses rosiers. Je suis remonté dans la chambre. Sophie

était accoudée à la fenêtre, le regard dans le vide.

― Tu m’en voudrais de te laisser rentrer seule?

Sophie se retourna.

― Pour les cours, je pourrai prendre des notes pour deux,

mais tu es de garde lundi soir si je ne me trompe pas?

― Justement, c’est le deuxième service que je voulais te

demander. Si tu pouvais aller dire au responsable du service que

je suis malade, rien de grave, une angine que j’ai préféré soigner

pour ne pas contaminer les patients. J’ai juste besoin de vingt-

quatre heures.

― Non je ne t’en voudrais pas, tu n’as presque pas vu ta

mère et une soirée en ta compagnie lui ferait sûrement plaisir.

Puisque je voyagerai seule, je trouverai bien le temps de

réfléchir à une excuse plus valable.

Maman se réjouit que je reste un peu plus que prévu.

J’empruntai sa voiture et raccompagnai Sophie à la gare.

Elle m’embrassa sur la joue et sourit malicieusement avant

de grimper dans son compartiment. Les fenêtres des trains ne

s’ouvrent plus, on ne peut pas se dire au revoir comme avant. Le

convoi s’ébranla, Sophie m’adressa un petit signe de la main et

j’attendis sur le quai que les feux du dernier wagon

disparaissent.

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Chapitre 6

― Qu’est-ce qui ne va pas? s’enquit ma mère alors que je

rentrais dans la maison.

― Tout va bien, de quoi t’inquiètes-tu?

― Tu as retardé ton retour et laissé ton amie, juste pour

passer une soirée avec ta mère?

Je m’assis à côté d’elle à la table de la cuisine et pris ses

mains dans les miennes.

― Tu me manques, lui dis-je en l’embrassant sur le front.

― Bon, j’espère que tu me diras plus tard ce qui te

préoccupe.

Nous avons dîné au salon, maman nous avait préparé mon

plateau-repas préféré, jambon et coquillettes, comme autrefois.

Elle s’est assise sur le canapé à côté de moi et m’a regardé me

régaler, sans toucher à son assiette.

Je m’apprêtais à débarrasser quand elle m’a pris la main et

m’a dit que la vaisselle pouvait attendre. Elle m’a demandé si je

voulais bien l’inviter dans mon grenier. Je l’ai accompagnée

jusqu’aux combles, j’ai tiré l’échelle, repoussé la trappe, et nous

sommes allés nous installer face à la lucarne.

J’ai hésité un moment avant de lui poser une question qui

me brûlait les lèvres depuis si longtemps.

― Tu n’as jamais eu de nouvelles de papa?

Maman plissa les paupières. J’ai retrouvé dans ses yeux ce

regard d’infirmière qu’elle prenait lorsqu’elle cherchait à savoir

si je couvais quelque chose ou si je feignais d’être malade pour

échapper à un contrôle d’histoire ou de mathématiques.

― Tu penses encore souvent à lui? me questionna-t-elle.

― Lorsqu’un homme de son âge se présente aux Urgences,

je ressens toujours une appréhension, j’ai peur que ce soit lui, et

- 106 -

je me demande chaque fois ce que je ferais s’il ne me

reconnaissait pas.

― Il te reconnaîtrait tout de suite.

― Pourquoi n’est-il jamais revenu me voir?

― J’ai mis longtemps à lui pardonner. Probablement trop

longtemps. Cela m’a fait dire des choses que je regrette, mais

c’est parce que je l’aimais encore. Je n’ai jamais cessé d’aimer

ton père. On fait des choses terribles quand l’amour et la haine

se confondent, des choses que l’on se reproche plus tard. Ce

dont je l’accablais le plus n’était pas de m’avoir quittée, j’avais

fini par en accepter ma part de responsabilité. Mon désespoir

était de l’imaginer heureux auprès d’une autre femme. J’en ai

tant voulu à ton père de l’avoir aimée à ce point. Il faut que je te

fasse une confidence, et je sais que ta mère te paraîtra démodée

en te disant cela, mais il est le seul homme que j’ai connu. Si je

le revoyais aujourd’hui, je le remercierais de m’avoir fait le plus

cadeau qui soit: toi.

Ce n’est pas l’ombre de ma mère qui me fit cette

confidence, mais bien elle.

Je l’ai prise contre moi et je lui ai dit que je l’aimais.

Certains instants précieux de la vie tiennent finalement à

peu de chose. Si je n’étais pas resté ce soir-là, je crois que jamais

je n’aurais eu cette conversation avec ma mère. Lorsque nous

avons quitté le grenier, je me suis retourné une dernière fois

vers la lucarne et, silencieusement, j’ai remercié mon ombre.

*

**

J’avais réglé mon réveil pour qu’il sonne à 3 heures du

matin. Je m’habillai et quittai la maison sur la pointe des pieds

pour emprunter le chemin de l’école. À cette heure-là, la ville

était déserte. Le rideau de fer occultait la vitrine de la

boulangerie, je la dépassai et tournai discrètement dans la ruelle

adjacente. Debout, dans la pénombre, à cinquante mètres d’une

petite porte en bois, je guettai le bon moment.

- 107 -

À 4 heures, Luc et son père sont sortis du fournil. Comme

il me l’avait raconté, je l’ai vu installer deux chaises contre le

mur, son père s’est assis en premier. Luc lui a servi du café et ils

sont restés là tous les deux, sans rien dire. Le père de Luc a vidé

sa tasse, l’a posée par terre et a fermé les yeux. Luc le regardait,

il a soupiré, ramassé la tasse de son père et est rentré dans le

fournil. C’était le moment que je guettais, j’ai pris mon courage

à deux mains et je me suis avancé.

Luc est mon ami d’enfance, mon meilleur ami; pourtant,

aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais connu son

père. Lorsque je me rendais chez lui, nous devions veiller à ne

pas faire de bruit. Cet homme qui vivait la nuit et dormait

l’après-midi me terrorisait. Je l’imaginais tel un fantôme rôdant

au-dessus de nous dès qu’on levait la tête de nos devoirs. Ce

boulanger que je n’ai jamais vraiment rencontré, je lui dois

certainement une part de mon assiduité scolaire et d’avoir

échappé à quelques-unes de ces colles que Mme Schaeffer

prenait tant de plaisir à distribuer. Sans la crainte qu’il

m’inspirait, un bon nombre de mes devoirs n’auraient pas été

rendus à temps. Ce soir, je m’adresserais enfin à lui, la première

chose à faire était de le réveiller et de me présenter.

J’avais peur qu’il sursaute et attire l’attention de Luc. J’ai

tapoté sur son épaule.

Il a cligné des yeux sans avoir l’air plus étonné que cela, et,

à ma grande surprise, m’a dit:

― C’est toi le copain de Luc, non? Je te reconnais, tu as un

peu vieilli mais pas tant que ça. Ton ami est à l’intérieur. Je

veux bien que tu ailles le saluer mais pas trop longtemps, ce

n’est pas le travail qui manque.

Je lui ai confié que ce n’était pas Luc que je venais voir. Le

boulanger m’a regardé longuement, il s’est levé et m’a fait signe

de l’attendre plus loin dans la ruelle. Entrebâillant la porte du

fournil, il a crié à son fils qu’il allait se dégourdir un peu les

jambes. Puis il m’a rejoint.

Le père de Luc m’a écouté sans m’interrompre. Lorsque

nous sommes arrivés au bout de la ruelle, il m’a serré la main

avec force et m’a dit:

- 108 -

― Maintenant fous-moi le camp!

Et il est reparti sans se retourner.

Je suis rentré tête basse, furieux d’avoir échoué dans la

mission qui m’était confiée. C’était la première fois.

*

**

De retour à la maison j’ai pris mille précautions pour faire

tourner le loquet de la porte sans faire de bruit. Peine perdue, la

lumière s’alluma et je vis ma mère, debout en robe de chambre,

devant la porte de la cuisine.

― Tu sais, me dit-elle, à ton âge, tu n’as plus besoin de faire

le mur.

― Je suis juste allé marcher, je n’arrivais pas à dormir.

― Parce que tu crois que je n’ai pas entendu sonner ton

réveil tout à l’heure?

Ma mère alluma un feu à la gazinière et mit la bouilloire à

chauffer.

― Il est trop tard pour retourner se coucher, me dit-elle,

assieds-toi, je vais te faire du café, et toi, tu vas me dire

pourquoi tu es resté une nuit de plus et surtout ce que tu faisais

dehors à cette heure-là.

Je me suis installé à la table et lui ai raconté ma visite au

père de Luc.

Quand j’eus fini le récit de ma lamentable expédition,

maman posa ses deux mains sur mes épaules et me regarda

droit dans les yeux.

― Tu ne peux pas te mêler ainsi de la vie des autres, même

pour leur bien. Si Luc apprenait que tu es allé voir son père, il

pourrait t’en vouloir. C’est à lui et à lui seul de décider de sa vie.

Il faut que tu te fasses une raison et que tu te résignes à grandir.

Tu n’es pas obligé de soigner les maux de tous ceux qui croisent

ton chemin. Même en devenant le meilleur des médecins, tu n’y

arriverais pas.

― Mais toi, ce n’est pas ce que tu as essayé de faire toute ta

vie? Ce n’était pas pour ça que tu rentrais si fatiguée le soir?

- 109 -

― Je crois, mon chéri, me dit-elle en se levant, que tu as

hélas hérité de la naïveté de ta mère et du caractère têtu de ton

père.

*

**

J’ai pris le premier train du matin. Ma mère m’a

raccompagné à la gare. Sur le quai, je lui ai promis de revenir la

voir bientôt. Elle a souri.

― Quand tu étais gosse et que je venais éteindre ta lumière,

tu me demandais chaque soir: «Maman, c’est quand le

prochain jour?» Je te répondais «Bientôt» et chaque fois, en

refermant la porte de ta chambre, j’avais la conviction que ma

réponse ne t’avait pas convaincu. Je crois qu’à nos âges, les rôles

se sont inversés. Alors «à bientôt» mon cœur, prends soin de

toi.

Je suis monté dans mon wagon et j’ai regardé par la vitre la

silhouette de maman, emportée par la distance alors que le train

s’éloignait.

- 110 -

Chapitre 7

Je reçus la première lettre de ma mère dix jours après mon

retour. Comme dans chacune de ses correspondances, elle me

demandait de mes nouvelles, espérant une réponse rapide. Il

s’écoulait souvent plusieurs semaines avant que je trouve la

force, en rentrant chez moi, de lui faire ce plaisir. Le peu

d’empressement que montrent les enfants envers leurs parents

en grandissant confine à l’égoïsme pur. Je m’en sentais d’autant

plus coupable que je gardais tous ses messages dans une boîte

posée sur une étagère de ma bibliothèque, telle une présence

bienveillante.

Sophie et moi ne nous étions presque pas revus depuis

notre escapade, nous n’avions pas même passé une nuit

ensemble. Durant ce court séjour dans la maison de mon

enfance, une ligne s’était tracée entre nous, que ni elle ni moi ne

réussissions à franchir. Lorsque je pris le stylo pour écrire à ma

mère, mes derniers mots étaient pour lui dire que Sophie

l’embrassait. Le jour suivant ce mensonge, j’allai la chercher

dans son service et lui avouai qu’elle me manquait. Le

lendemain, elle accepta que je l’emmène au cinéma, mais à la fin

de la séance, elle préféra rentrer chez elle.

Depuis un mois, Sophie se laissait séduire par un interne

en pédiatrie, décidant pour nous deux de mettre fin au règne de

nos incertitudes. Peut-être plus encore des miennes. Savoir

qu’un autre homme risquait de s’emparer de ce que je ne me





Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 155 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!



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