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Jack London. Love Of Live. Stories 17 ñòðàíèöà



pleine forme, avec quelques kilos de plus.

À l’automne, maman vint me voir. Elle me remit une petite

valise pleine de chemises neuves, s’excusant de ne pas monter

dans mon studio pour y remettre de l’ordre. Les escaliers la

fatiguaient, ses genoux la faisaient de plus en plus souffrir. Alors

que nous nous promenions sur les berges, je m’inquiétai de la

voir s’essouffler. Elle posa sa main sur ma joue et me dit en

souriant qu’il fallait que j’accepte l’idée de la voir vieillir.

― Ça t’arrivera aussi un jour, me dit-elle alors que nous

terminions de dîner dans son restaurant favori. En attendant,

profite de ta jeunesse, si tu savais à quelle vitesse elle fichera le

camp.

Et, une fois de plus, elle s’empara de l’addition avant que je

n’aie eu le temps de la saisir.

Alors que nous marchions vers son hôtel, elle me parla de

la maison. Repeindre chaque pièce occupait ses journées, même

si l’énergie qu’elle y dépensait l’épuisait un peu trop à son goût.

Elle me confia avoir remis de l’ordre dans le grenier et m’y avoir

laissé une boîte qu’elle avait retrouvée. À ma prochaine visite, il

faudrait que j’y monte. Je tentai d’en savoir plus mais ma mère

resta mystérieuse sur le sujet.

― Tu verras bien le jour où tu viendras, me dit-elle en

m’embrassant devant son hôtel.

Le lendemain de ce dîner, je la raccompagnai à la gare. Elle

avait eu sa dose de grande ville et préférait écourter son séjour.

*

**

- 162 -

En amitié, certaines choses ne se disent pas, elles se

devinent. Luc et Sophie passaient de plus en plus de temps

ensemble. Luc trouvait toujours un prétexte pour l’inviter à

nous rejoindre. C’était un peu comme lorsque Élisabeth se

rapprochait de Marquès en glissant discrètement de semaine en

semaine vers le fond de la classe, à ceci près que, cette fois, je

m’en rendais compte. En dehors de ces quelques soirées où il

nous faisait la cuisine, je voyais Luc de moins en moins. Mon

internat m’accaparait et ses horaires de brancardier ne cessaient

de s’allonger pour lui permettre de payer ses études.

Il nous arrivait de nous laisser un mot sur le bureau de la

chambre à coucher, souhaitant une bonne journée à l’un ou une

bonne nuit à l’autre. Luc rendait souvent visite à notre voisine

du dessus. Un jour, il avait entendu un bruit sourd et, redoutant

qu’elle soit tombée, il s’était précipité à l’étage supérieur. Alice

se portait comme un charme, elle faisait juste un grand ménage,

se délestant de tout ce qui appartenait à son passé. Elle envoyait

valdinguer à travers la pièce des albums de photos, quantité de

dossiers, des souvenirs en tout genre glanés au long d’une

existence qu’elle balayait furieusement.

― Je n’emporterai rien de tout ça dans la tombe, avait-elle

clamé à Luc, la mine réjouie en lui ouvrant la porte.

Amusé par le désordre qui régnait, Luc avait consacré son

après-midi entier à aider notre voisine. Elle remplissait des sacs

en plastique et Luc descendait les jeter dans les poubelles de

l’immeuble.

― Je ne vais tout de même pas donner la satisfaction à mes

enfants de commencer à m’aimer quand je serai morte! Ils

n’avaient qu’à le faire avant!

De cette journée insolite était née entre eux une certaine

complicité. Chaque fois que je croisais notre voisine dans

l’escalier, je la saluais et elle me répondait de saluer Luc. Luc

était conquis par son caractère bien trempé et il lui arrivait de

m’abandonner pour aller passer le début de sa soirée avec elle.

*

**

- 163 -

Noël approchait. J’avais bien essayé d’obtenir quelques

jours de congés pour aller rendre visite à ma mère, mais mon

chef de service me les avait refusés.

― Dans le mot interne, quelque chose vous échappe?

m’avait-il répondu alors que je lui faisais ma demande. Lorsque

vous serez titularisé, vous pourrez rentrer chez vous pendant les

fêtes et, comme moi, vous nommerez des internes pour vous

suppléer. Patience et persévérance, avait-il ajouté d’un ton à

mériter des baffes, vous n’avez plus que quelques années à

trimer avant de pouvoir déguster à votre tour de la dinde en

famille.

J’avais prévenu maman, qui m’avait aussitôt excusé. Qui

mieux qu’elle pouvait comprendre les contraintes de l’internat.

A fortiori quand votre chef de clinique est aussi imbu de lui-

même qu’arrogant. Comme à chacune de mes colères, ma mère

avait trouvé les mots pour m’apaiser.

― Tu te souviens de ce que tu m’avais dit un jour parce que

j’étais si triste de n’avoir pu assister à ta remise de prix de fin

d’année?

― Qu’il y aurait une autre cérémonie l’année suivante,

répondis-je dans le combiné.

― Il y aura sans nul doute un autre Noël l’année prochaine,

mon chéri, et si ton chef est toujours aussi buté, ne t’inquiète

pas, nous fêterons Noël en janvier.

À quelques jours des fêtes, Luc préparait sa valise, il y

rangeait plus d’affaires qu’à l’accoutumée. Dès que j’avais le dos

tourné, il empilait dans son sac pulls, chemises et pantalons, y

compris ceux qui n’étaient pas de saison. Je finis par remarquer

son manège et son petit air gêné.

― Tu vas où?

― Je rentre chez moi.

― Et tu as besoin de ce déménagement pour seulement

quelques jours de vacances?

Luc se laissa tomber dans le fauteuil.

― Quelque chose manque à ma vie, me dit-il.

― Qu’est-ce qui te manque?

― Ma vie!

- 164 -

Il croisa les mains et me regarda fixement avant de

poursuivre.

― Je ne suis pas heureux ici, mon vieux. Je croyais qu’en

devenant médecin je changerais de condition, que mes parents

seraient fiers de moi. Le fils du boulanger qui devient docteur,

tu vois la belle histoire! Seulement voilà, même si je réussissais

un jour à être le plus grand des chirurgiens, je n’arriverais

jamais à la cheville de mon père. Papa ne fait peut-être que du

pain, mais si tu voyais comme ils sont heureux, ceux qui

viennent à la boulangerie aux premières heures du matin. Tu te

souviens des petits vieux dans cet hôtel de bord de mer où

j’avais cuisiné des galettes? Lui, c’est tous les jours qu’il

reproduit ce prodige. C’est un homme modeste et discret, il ne

dit pas grand-chose mais ses yeux parlent à sa place. Quand je

travaillais avec lui au fournil, nous restions parfois silencieux

toute la nuit et pourtant, en pétrissant la farine, côte à côte, on

partageait tant de choses. C’est à lui que je veux ressembler. Ce

métier qu’il a voulu m’apprendre, c’est celui que je veux faire. Je

me suis dit qu’un jour, j’aurais peut-être moi aussi des enfants,

je sais que si je suis aussi bon boulanger que mon père, ils

pourront être fiers de moi, comme je suis fier de lui. Ne m’en

veux pas, mais après Noël, je ne rentrerai pas, j’arrête la

médecine. Attends, ne dis rien, je n’ai pas fini, je sais que tu y

étais pour quelque chose, que tu avais parlé à mon père. Ce n’est

pas lui qui me l’a avoué, mais ma mère. Chaque jour que j’ai

passé ici, même quand tu m’emmerdais sérieusement, je t’ai

remercié en mon for intérieur de m’avoir donné cette chance

d’étudier à la faculté; grâce à toi, je sais maintenant ce que je ne

veux pas faire. Quand tu reviendras au village, je te préparerai

des pains au chocolat et des éclairs au café et nous les

partagerons comme avant, comme dans le temps. Non, mieux

que cela, nous les dégusterons comme demain. Alors ne crois

pas que ce soit un adieu, c’est juste un au revoir, mon vieux.

Luc m’a pris dans ses bras. Je crois qu’il pleurait un peu, et

je crois que moi aussi. C’est idiot, deux hommes qui sanglotent

dans les bras l’un de l’autre. Peut-être pas, finalement, quand ce

sont deux amis qui s’aiment comme des frères.

- 165 -

Avant de partir, Luc avait une dernière confidence. Je

l’avais aidé à charger le vieux break, il s’était installé au volant et

avait refermé sa portière. Puis il avait baissé la vitre pour me

dire d’un ton solennel:

― Tu sais, ça m’embête de te demander ça, mais

maintenant que les choses sont claires entre Sophie et toi, enfin,

je veux dire maintenant qu’elle est sûre que vous n’êtes que des

amis, ça t’ennuierait que je la rappelle de temps en temps?

Parce que tu ne t’en es peut-être pas rendu compte, mais au

cours de ce fameux week-end au bord de la mer, pendant que tu

jouais au gardien de phare et au cerf-volant, on a beaucoup

discuté tous les deux. Je peux me tromper, bien sûr, mais j’ai eu

l’impression que le courant passait, une sorte d’affinité si tu vois

ce que je veux dire. Donc si ça ne te dérange pas, je reviendrais

bien te rendre visite et j’en profiterais pour l’inviter à dîner.

― Parmi toutes les filles célibataires au monde, il fallait

que tu t’entiches de Sophie?

― J’ai dit: si ça ne te dérange pas, qu’est-ce que je peux

faire de plus...

La voiture démarra et Luc agita la main par la vitre, en

signe d’au revoir.

- 166 -

Chapitre 13

Je n’ai pas vu passer les mois, dévoré par le travail. Les

mercredis, Sophie et moi passions la soirée ensemble, un dîner

en amis, parfois précédé d’une séance de cinéma où nos

solitudes se confondaient dans l’obscurité de la salle. Luc lui

écrivait chaque semaine. Un petit mot qu’il rédigeait pendant

que son père sommeillait sur sa chaise, adossé au mur de la

boulangerie. Chaque fois, Sophie me transmettait les quelques

lignes qui m’étaient adressées, Luc s’excusait de ne pas avoir

plus de temps pour m’écrire. Je crois que c’était une façon bien

à lui de me tenir au courant de sa correspondance avec Sophie.

Le studio était calme, beaucoup trop à mon goût. Il

m’arrivait de contempler cette pièce où nous avions tous trois

passé tant de soirées, de regarder la porte entrouverte de la

cuisine et d’espérer que Luc en surgirait, portant un plat de

pâtes ou l’un de ses fameux gratins. Je lui avais fait une

promesse et je veillais à la respecter scrupuleusement. Les

mardis et samedis, je montais voir notre voisine et passais une

heure en sa compagnie. Au fil des mois, j’en avais plus appris

sur sa vie que ses propres enfants, me jurait-elle. Ces visites

avaient du bon: elle qui refusait de prendre ses médicaments

cédait devant l’autorité médicale que je représentais.

Un lundi soir, j’eus l’immense surprise de voir s’exaucer un

de mes vœux. Je rentrais chez moi quand je sentis dans

l’escalier une odeur familière. En ouvrant la porte, je trouvai

Luc en tablier, et trois couverts posés à même le sol.

― Ben oui, j’avais oublié de te rendre la clé! Je n’allais

quand même pas rester sur le palier à t’attendre. Je t’ai préparé

ton plat préféré, un gratin de macaronis dont tu me diras des

nouvelles. Je sais, il y a trois assiettes, je me suis permis

d’inviter Sophie. D’ailleurs si tu pouvais surveiller la cuisine, il

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faudrait que j’aille me doucher, elle arrive dans une demi-heure

et je n’ai même pas eu le temps de me changer.

― Bonjour quand même, lui répondis-je.

― Surtout n’ouvre pas la porte du four! Je compte sur toi,

j’en ai pour cinq minutes. Tu aurais une chemise à me prêter?

Tiens, dit-il en fouillant mon armoire, la bleue fera l’affaire. J’ai

profité du jour de fermeture, tu te souviens que la boulangerie

ferme le mardi? J’ai dormi dans le train et me voilà frais

comme un gardon. Ça me fait quand même un drôle d’effet

d’être ici.

― Et moi drôlement plaisir de te voir.

― Ah, tout de même, je me demandais si tu allais finir par

le dire! Un pantalon, tu aurais aussi un pantalon que je

pourrais t’emprunter?

Luc abandonna mon peignoir sur le lit et enfila le pantalon

qu’il avait choisi, il se recoiffa devant le miroir et ajusta la

mèche qui tombait sur son front.

― Il faudrait que je me coupe les cheveux, tu ne crois pas?

J’ai commencé à en perdre, tu sais. C’est génétique, il paraît.

Mon père se paye un bel aéroport à moustiques à l’arrière du

crâne, je crois que je suis bon pour hériter bientôt d’une piste

d’atterrissage sur le front. Tu me trouves comment? me

demanda-t-il en se retournant vers moi.

― À son goût, si c’est ce que tu veux savoir. Sophie te

trouvera très sexy dans mes vêtements.

― Qu’est-ce que tu vas imaginer? C’est juste que je n’ai pas

souvent l’occasion de quitter mon tablier, alors pour une fois

que je peux me mettre sur mon trente et un, ça me fait plaisir,

voilà tout.

Sophie sonna à la porte, Luc se précipita pour l’accueillir.

Ses yeux pétillaient encore plus que lorsque, enfants, nous

réussissions à jouer un sale tour à Marquès.

Sophie était vêtue d’un petit pull bleu marine et d’une jupe

à carreaux qui lui descendait aux genoux. Elle les avait achetés

l’après-midi même dans une friperie et nous demanda notre

avis sur son look un tantinet rétro.

― Ça te va à merveille, répondit Luc.

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Sophie sembla se contenter de son avis car elle le rejoignit

à la cuisine sans attendre le mien.

Au cours du repas, Luc nous avoua qu’il lui arrivait parfois

de regretter certains aspects de sa vie d’étudiant, pas les salles

de dissection, précisa-t-il aussitôt, les couloirs de l’hôpital non

plus et encore moins les Urgences, mais des soirées comme

celle-là.

Lorsque le dîner s’acheva, je restai chez moi. Cette fois,

c’est Luc qui alla finir la nuit chez Sophie. Avant de partir, il

promit de revenir me voir avant la fin du printemps. La vie en a

voulu autrement.

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Chapitre 14

Maman m’avait annoncé dans une lettre sa venue aux

premiers jours de mars. En prévision de son arrivée, j’avais

réservé une table dans son restaurant préféré et négocié

âprement avec mon chef de service une journée de congé. Ce

mercredi matin, j’allai la chercher à la descente du train. Les

wagons se vidaient de leurs passagers, mais ma mère n’était pas

parmi eux. Soudain, Luc m’apparut sur le quai. Il ne portait

aucun bagage et se tenait immobile face à moi. Aux larmes dans

ses yeux, je compris aussitôt qu’un monde venait de disparaître

et que plus rien ne serait comme avant.

Luc s’approcha lentement. J’aurais voulu qu’il ne

m’atteigne jamais, qu’il ne puisse pas prononcer les mots qu’il

s’apprêtait à dire.

Une foule m’entourait, celle des voyageurs qui avançaient

vers les portes de la gare. J’aurais voulu être ceux dont la terre

continuait de tourner comme si de rien n’était quand la mienne

venait tout juste de s’arrêter.

Luc a dit: «Ta mère est morte, mon vieux», et j’ai senti le

coup de poignard déchirer mes entrailles. Il me retenait dans

ses bras, tandis que les sanglots m’emportaient. J’ai poussé un

cri sur ce quai de gare, je m’en souviens encore, un hurlement

surgi de l’enfance; Luc me serrait plus fort pour m’empêcher de

tomber, en chuchotant: «Gueule, gueule tant que tu veux, je

suis là pour ça, mon vieux.»

Je ne te reverrai plus jamais, je ne t’entendrai plus

m’appeler comme tu le faisais autrefois le matin, je ne sentirai

plus ce parfum d’ambre qui t’habillait si bien. Je ne pourrai plus

partager avec toi mes joies et mes chagrins, nous ne nous

raconterons plus rien. Tu n’arrangeras plus dans le grand vase

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du salon les branches de mimosa que j’allais te chercher aux

derniers jours de janvier, tu ne porteras plus ton chapeau de

paille en été, ni l’étole en cachemire que tu posais sur tes

épaules aux premiers froids d’automne. Tu n’allumeras plus le

feu dans la cheminée lorsque les neiges de décembre

recouvriront ton jardin. Tu es partie avant que le printemps ne

vienne, tu m’as laissé, sans prévenir, et jamais de ma vie je ne

me suis senti aussi seul que sur ce quai de gare où j’appris que

tu n’étais plus.

«Ma mère est morte aujourd’hui», cette phrase, cent fois

je me la suis répétée, cent fois sans jamais pouvoir y croire.

L’absence née au jour de son départ ne m’a jamais quitté.

Sur le quai de la gare Luc m’a expliqué ce qui était arrivé. Il

avait proposé à ma mère de venir la chercher pour

l’accompagner à son train. C’est lui qui l’a découverte, inanimée

devant sa porte. Luc avait appelé les secours mais il était trop

tard, elle était partie la veille au soir. Sortant probablement

pour fermer ses volets, elle s’était écroulée, foudroyée par un

arrêt cardiaque. Maman a passé sa dernière nuit sur cette terre

allongée dans son jardin, les yeux ouverts sur les étoiles.

Nous avons repris le train ensemble. Luc me regardait en

silence et moi je regardais défiler le paysage par la fenêtre,

pensant au nombre de fois où ma mère l’avait contemplé en

venant me voir. J’ai oublié de décommander notre table dans

son restaurant préféré.

Elle m’attendait au funérarium. Maman était

incroyablement prévenante, le responsable des pompes

funèbres m’apprit qu’elle s’était occupée de tout. Elle

m’attendait, allongée dans son cercueil. Sa peau était pâle, elle

avait ce sourire rassurant, cette façon si maternelle de me dire

que tout irait bien, qu’elle veillait sur moi, comme au premier

jour de la rentrée des classes. J’ai posé mes lèvres sur ses joues.

Un dernier baiser à sa mère est comme un rideau qui tombe

pour toujours sur la scène de votre enfance. Je suis resté toute la

nuit à la veiller, elle en avait tant passées à veiller sur moi.

À l’adolescence, on rêve du jour où l’on quittera ses

parents, un autre jour ce sont vos parents qui vous quittent.

Alors, on ne rêve plus qu’à pouvoir redevenir, ne serait-ce qu’un

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instant, l’enfant qui vivait sous leur toit, les prendre dans vos

bras, leur dire sans pudeur qu’on les aime, se serrer contre eux

pour qu’ils vous rassurent encore une fois.

J’ai écouté le sermon du prêtre qui officiait devant la

tombe de ma mère. On ne perd jamais ses parents, même après

leur mort ils vivent encore en vous. Ceux qui vous ont conçu, qui

vous ont donné tout cet amour afin que vous leur surviviez, ne

peuvent pas disparaître.

Le prêtre avait raison, mais l’idée de savoir qu’il n’est plus

d’endroit dans le monde où ils respirent, que vous n’entendrez

plus leur voix, que les volets de votre maison d’enfance seront

clos à jamais, vous plonge dans une solitude que même Dieu

n’avait pu concevoir.

Je n’ai jamais cessé de penser à ma mère. Elle est présente

à chacun des moments de ma vie. Il m’arrive de voir un film en

pensant qu’elle l’aurait apprécié, d’écouter une chanson dont

elle fredonnait les paroles, et certains jours merveilleux de

sentir dans l’air, au passage d’une femme, un parfum d’ambre

qui me rappelle à elle; il m’arrive même parfois de lui parler à

voix basse. Le prêtre avait raison, qu’on croie en Dieu ou pas,

une mère ne meurt jamais tout à fait, son immortalité est là,

dans le cœur de l’enfant qu’elle a aimé. J’espère un jour gagner

ma parcelle d’éternité dans le cœur d’un enfant qu’à mon tour

j’aurai élevé.

Presque tout le village était présent à l’enterrement, même

Marquès qui portait à ma grande surprise une écharpe en

bandoulière. Ce con avait réussi à se faire élire maire du village.

Le père de Luc avait fermé sa boulangerie pour venir aux

obsèques. Mme la directrice était présente elle aussi, elle avait





Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 155 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!



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