Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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raccroché son talkie-walkie depuis longtemps mais elle pleurait
encore plus que les autres et m’appelait «son petit». Sophie est
venue, Luc l’avait prévenue et elle avait pris le premier train du
matin. De les voir tous les deux se tenir par la main m’apporta
un immense réconfort, sans que je puisse dire pourquoi.
Lorsque le cortège s’est dispersé, je suis resté seul devant la
tombe.
J’ai pris dans mon portefeuille une photo qui ne m’avait
jamais quitté, une photo de mon père me tenant dans ses bras.
- 172 -
Je l’ai posée sur la tombe de ma mère, pour que ce jour-là nous
soyons, une ultime fois, réunis tous les trois.
Après la cérémonie, Luc m’a déposé à la maison dans son
vieux break. Il avait fini par acheter cette voiture au type qui la
lui louait.
― Tu veux que je t’accompagne à l’intérieur?
― Non, je te remercie, reste avec Sophie.
― On ne va pas te laisser tout seul quand même, pas un
soir comme ça.
― Je crois que c’est ce dont j’ai envie. Tu sais, je n’ai pas
remis les pieds ici depuis des mois, et puis, je sens encore sa
présence dans ces murs. Je t’assure, même si elle dort au
cimetière, je vais passer cette dernière nuit avec elle.
Luc hésitait à partir, il a souri et m’a dit:
― Tu sais, à l’école, nous étions tous amoureux de ta mère.
― Je ne le savais pas.
― Elle était de loin la plus belle de toutes les mères de la
classe, je crois que même ce con de Marquès avait le béguin
pour elle.
Cette andouille avait réussi à m’arracher un sourire. Je suis
descendu de la voiture, j’ai attendu qu’il s’en aille et je suis entré
dans la maison.
*
**
J’ai découvert que maman n’avait jamais repeint la
maison. Son dossier médical se trouvait sur la table basse du
salon, je l’ai consulté. En regardant les dates qui figuraient sur
ses échographies, j’ai alors tout compris. Cette semaine de
vacances dans le Sud, qu’elle s’était soi-disant offerte avec une
amie, n’avait jamais eu lieu; à la fin de l’hiver elle avait fait un
malaise cardiaque et pendant que Luc, Sophie et moi partions
au bord de la mer, elle était hospitalisée pour subir des
examens. Elle avait inventé ce voyage parce qu’elle ne voulait
pas que je m’inquiète. J’ai fait ma médecine, espérant soigner
ma mère de tous ses maux, et je n’ai pas su déceler qu’elle était
malade.
- 173 -
Je me suis rendu dans la cuisine, j’ai ouvert le
réfrigérateur, j’y ai trouvé le dîner qu’elle s’était préparé juste
avant...
Je suis resté comme un idiot devant ce réfrigérateur ouvert
et je n’ai pu retenir mes larmes. Je n’avais pas pleuré pendant
l’enterrement, comme si elle m’interdisait de le faire, parce
qu’elle voulait que je tienne bon devant les autres. Mais ce sont
des petits détails qui font soudain prendre vraiment conscience
de la disparition de ceux qu’on a aimés. Un réveil sur une table
de nuit qui continue à faire tic tac, une taie d’oreiller dépassant
d’un lit défait, une photo posée sur une commode, une brosse à
dents dans un verre, une théière sur le rebord d’une fenêtre de
cuisine, le bec tourné vers la fenêtre pour regarder le jardin, et,
sur la table, les restes d’un quatre-quarts aux pommes nappé de
sirop d’érable.
Mon enfance était là, évanouie dans cette maison pleine de
souvenirs, les souvenirs de ma mère et des années que nous
avions vécues ensemble.
*
**
Je me suis rappelé que maman m’avait parlé d’une boîte
qu’elle avait retrouvée. La lune était pleine et je suis monté au
grenier.
Elle était posée en évidence sur le plancher. Sur le
couvercle, j’ai trouvé un mot écrit de la main de ma mère.
Mon amour,
La dernière fois que tu es venu, je t’ai entendu monter au
grenier. Je me doutais bien que tu allais t’y rendre, c’est pour
cela que je t’ai donné ce dernier rendez-vous ici. Je suis
certaine que par moments, il t’arrive encore de parler à tes
ombres. Ne crois pas que je me moque, seulement, cela me
rappelle ton enfance. Quand tu partais à l’école, j’allais dans ta
chambre sous prétexte d’y remettre de l’ordre et lorsque je
faisais ton lit, je prenais ton oreiller pour sentir ton odeur. Tu
étais à cinq cents mètres de la maison et tu me manquais déjà.
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Tu vois, une mère, c’est aussi simple que cela, ça ne cesse
jamais de penser à ses enfants; du premier instant où
s’ouvrent vos yeux, vous occupez nos pensées. Et rien ne nous
rend plus heureuses. J’ai essayé en vain d’être la meilleure des
mères, mais c’est toi qui as été un fils dépassant toutes mes
attentes. Tu seras un merveilleux médecin.
Cette boîte t’appartient, elle n’aurait jamais dû exister, je
te demande pardon.
Ta mère qui t’aime et t’aime encore.
J’ai ouvert la boîte; à l’intérieur, j’y ai trouvé toutes les
lettres que mon père m’avait envoyées, à chaque Noël et pour
tous mes anniversaires.
Je me suis assis en tailleur devant la lucarne et j’ai regardé
la lune se lever dans la nuit. Je serrais les lettres de mon père
contre moi, et j’ai murmuré: «Maman, comment as-tu pu me
faire ça!»
Alors mon ombre s’est étirée sur le plancher et j’ai cru voir
à ses côtés celle de ma mère, elle me souriait et pleurait à la fois.
La lune a continué sa ronde et l’ombre de maman s’en est allée.
- 175 -
Chapitre 15
Je n’arrivais pas à trouver le sommeil. Ma chambre était
silencieuse, plus aucun son ne provenait de l’autre côté de la
cloison. Les bruits auxquels j’étais habitué avaient disparu, les
plis des rideaux restaient tristement immobiles. J’ai regardé ma
montre. À 3 heures du matin Luc prenait sa pause, j’avais envie
de le voir. Cette idée m’a guidé et j’ai refermé la porte de la
maison sans soupçonner jusqu’où mes pas me conduiraient.
Je tournai au coin de la ruelle. Caché dans l’ombre de la
nuit, je vis mon meilleur ami assis sur sa chaise en pleine
conversation avec son père. Je n’ai pas voulu les interrompre,
j’ai fait marche arrière et j’ai continué mon chemin. Ne sachant
où aller, j’ai marché jusqu’aux grilles de l’école, le portail était
entrouvert, je l’ai poussé et suis entré. La cour était silencieuse
et déserte, du moins c’est ce que je croyais. En m’approchant du
marronnier, j’ai entendu une voix m’appeler.
― J’étais sûr de te trouver ici.
J’ai sursauté et me suis retourné. Yves était assis sur le
banc et me regardait.
― Viens donc à côté de moi. Depuis tout ce temps, nous
avons sûrement des choses à nous dire.
Je me suis installé près de lui et lui ai demandé ce qu’il
faisait là.
― J’étais présent aux obsèques de ta mère. Je suis désolé
pour toi, c’était une femme que j’appréciais beaucoup. Je suis
arrivé un peu en retard, alors je me suis placé à l’arrière du
cortège.
Ça me touchait sincèrement qu’Yves soit venu à
l’enterrement de maman.
― Qu’est-ce que tu es venu chercher dans cette cour
d’école? m’a-t-il demandé.
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― Je n’en ai aucune idée, j’ai vécu une journée difficile.
― Je savais que tu viendrais. Il n’y a pas que l’enterrement
de ta mère qui m’ait ramené ici, j’avais envie de te revoir. Tu as
gardé ce même regard; ça aussi, j’en étais certain, même si je
voulais quand même le vérifier.
― Pourquoi?
― Parce que je pense que nous sommes tous les deux à la
recherche de quelques souvenirs, avant qu’ils ne disparaissent,
eux aussi.
― Qu’est-ce que vous êtes devenu?
― Comme toi, j’ai changé d’horizon, je me suis construit
une nouvelle vie. Mais c’était toi l’écolier, alors qu’as-tu fait
après avoir quitté ces murs et cette petite ville?
― Je suis médecin, enfin... presque. Je n’ai même pas su
détecter que ma propre mère était malade. Je croyais voir des
choses invisibles aux yeux des autres, j’étais encore plus aveugle
qu’eux.
― Tu te souviens, je t’ai promis un jour que si tu avais
quelque chose sur le cœur, quelque chose dont tu ne te sentais
pas le courage de parler, tu pouvais te confier à moi, et que je ne
te trahirais pas. C’est peut-être la nuit ou jamais...
― J’ai perdu ma mère hier, elle ne m’avait rien dit de sa
maladie, et j’ai trouvé ce soir dans le grenier de notre maison
des lettres de mon père qu’elle m’avait cachées. On commence
par un mensonge et on ne sait plus où s’arrêter.
― Que t’écrivait ton père, si ce n’est pas indiscret?
― Qu’il était venu me voir chaque année à la remise des
prix. Qu’il se tenait au loin derrière ces grilles. J’étais si près de
lui et si loin à la fois.
― Il ne te disait rien d’autre?
― Si, il m’a avoué avoir fini par renoncer. Cette femme
pour laquelle il a quitté ma mère, il a eu un autre fils avec elle.
J’ai un demi-frère. Il paraît qu’il me ressemble. J’ai une vraie
ombre cette fois, c’est amusant, non?
― Qu’est-ce que tu comptes faire?
― Je ne sais pas. Dans sa dernière lettre, mon père me
parle de sa lâcheté, il me dit qu’à vouloir offrir un futur à cette
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nouvelle famille, il n’a jamais eu le courage de leur imposer son
passé. Je sais maintenant où tout cet amour est parti.
― Quand tu étais petit, ce qui faisait de toi un enfant
différent, c’était ton pouvoir à ressentir le malheur, pas
seulement celui qui t’affectait, mais aussi celui qui touchait les
autres. Tu es juste devenu adulte.
Yves me sourit et poursuivit en me posant une étrange
question.
― Si l’enfant que tu étais rencontrait l’homme que tu es
devenu, crois-tu qu’ils s’entendraient bien ensemble, qu’ils
pourraient être complices?
― Qui êtes-vous vraiment? lui demandai-je.
― Un homme qui refusait de grandir, un gardien d’école à
qui tu as rendu sa liberté, ou une ombre que tu as inventée
quand tu avais besoin d’un ami, à toi de choisir. Mais j’ai une
dette envers toi, et je crois que cette nuit sera le bon moment
pour l’acquitter. À propos de bon moment, tu te rappelles ce que
je t’avais dit un jour au sujet des rencontres amoureuses? Je
crois qu’à l’époque tu vivais ta première désillusion.
― Oui, je m’en souviens, je n’étais pas très heureux non
plus, ce jour-là.
― Tu sais, le bon moment, ça marche aussi pour des
retrouvailles. Tu devrais aller traîner derrière ma remise. Je
crois que tu y avais laissé quelque chose, quelque chose qui
t’appartenait. Va! Je t’attends ici.
Je me suis levé et suis allé derrière la cabane en bois, mais
j’avais beau regarder autour de moi, je ne trouvais rien de
particulier.
J’entendis la voix d’Yves me crier de mieux chercher. Je me
suis agenouillé, la lune éclairait suffisamment pour qu’on y voie
presque comme en plein jour, mais toujours rien. Le vent se mit
à souffler, une bourrasque souleva de la poussière et j’en reçus
plein la figure. Les paupières closes, je cherchai un mouchoir
pour m’essuyer les yeux et recouvrer un semblant de vision.
Dans la poche de mon blazer, celui que j’avais porté un soir en
allant au concert, je trouvai un bout de papier, un autographe
signé de la main d’une violoncelliste.
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Je suis retourné vers le banc, Yves ne s’y trouvait plus, la
cour était à nouveau déserte. À la place où il était assis, une
enveloppe était calée sous un petit caillou. Je l’ai décachetée, il y
avait à l’intérieur une photocopie faite sur un très beau papier
que le temps avait un peu jauni.
Seul sur ce banc, j’en ai relu les lignes. C’est peut-être cette
phrase où maman m’écrivait que son plus grand souhait était
que je sois épanoui plus tard; qu’elle espérait que je trouve un
métier qui me rende heureux et que quels que soient les choix
que je ferais dans ma vie, tant que j’aimerais et serais aimé,
j’aurais réalisé tous les espoirs qu’elle fondait en moi. Ce sont
peut-être ces lignes-là qui à mon tour m’ont libéré des chaînes
qui me retenaient à mon enfance.
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Chapitre 16
Le lendemain, j’ai refermé les volets de la maison et je suis
passé dire au revoir à Luc. Dans la vieille voiture de ma mère,
j’ai roulé toute la journée. En fin d’après-midi, je suis arrivé
dans une petite station balnéaire. Je me suis garé devant la
digue. J’ai enjambé la chaîne du vieux phare, je suis
monté jusqu’à la coupole et j’ai récupéré mon cerf-volant.
En me voyant arriver, la directrice de la pension de famille
avait l’air encore plus désolé que la dernière fois.
― Je n’ai toujours pas de chambre, me dit-elle en
soupirant.
― Cela n’a aucune importance, je suis juste venu rendre
visite à un de vos pensionnaires et je sais où le trouver.
Mme Pouchard était assise dans son fauteuil, elle se leva et
vint à ma rencontre.
― Je ne pensais pas que vous tiendriez votre promesse,
c’est une bonne surprise.
Je lui avouai que ce n’était pas vraiment elle que j’étais
venu voir. Elle baissa les yeux, vit le sac que je tenais dans une
main et jeta un œil au cerf-volant que je tenais dans l’autre. Elle
me sourit.
― Vous avez de la chance, je ne dirais pas qu’il a toute sa
tête aujourd’hui, mais il est plutôt dans un bon jour. Il est dans
sa chambre, je vous y emmène.
Nous avons monté l’escalier ensemble, elle a frappé à la
porte et nous sommes entrés dans la chambre de l’ancien
marchand du bazar.
― Vous avez de la visite, Léon, a dit Mme Pouchard.
― Ah oui? Je n’attends personne, répondit-il en posant
son livre sur la table de chevet.
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Je m’approchai de lui et lui montrai mon aigle, en piteux
état.
Il l’observa un long moment et son visage s’éclaira.
― C’est drôle, j’en avais donné un semblable à un petit
garçon dont la mère était si radine qu’elle refusait de lui faire un
cadeau d’anniversaire. Tous les soirs le gamin me le ramenait et
le reprenait le matin, pour ne pas la gêner disait-il.
― Je vous ai menti, ma mère était la plus généreuse des
femmes, elle m’aurait offert tous les cerfs-volants du monde si
je les lui avais demandés.
― En fait, je crois que c’était un bobard qu’il avait inventé,
poursuivit le vieil homme qui ne m’avait pas écouté. Mais ce
petit gosse avait l’air si malheureux sans son cerf-volant que je
n’ai pas pu résister à l’envie de le lui offrir. Ah j’en ai vu des
gamins rêver devant l’étal de mon bazar.
― Vous pourriez le réparer? lui demandai-je, fébrile.
― Il faudrait le réparer, me dit-il, comme si seule la moitié
de mes phrases l’atteignait. Dans cet état, il n’est pas près de
voler.
― C’est exactement ce que ce jeune homme vous demande,
Léon, faites un peu attention tout de même, c’est agaçant.
― Madame Pouchard, si au lieu de me faire la leçon, vous
alliez m’acheter de quoi rafistoler ce cerf-volant, je pourrais me
mettre à l’ouvrage puisque c’est la raison pour laquelle ce jeune
homme est venu me rendre visite.
Léon nota sur une feuille tout ce dont il avait besoin. Je
récupérai la liste et fonçai à la quincaillerie. Mme Pouchard me
raccompagna à la porte et me glissa à l’oreille que si je passais
par hasard devant le bureau de tabac, elle serait la plus
heureuse des femmes.
Je revins une heure plus tard, mes deux missions
accomplies.
Le vieux marchand du bazar me donna rendez-vous le
lendemain, à midi sur la plage, il ne promettait rien, mais il
ferait de son mieux.
J’ai invité Mme Pouchard à dîner. Nous avons parlé de Cléa
et je lui ai tout raconté. Alors que je la raccompagnais à la
pension, elle m’a soufflé une idée à l’oreille.
- 181 -
J’ai trouvé une chambre dans un petit hôtel du centre-ville.
Je me suis endormi à peine la tête posée sur l’oreiller.
*
**
À midi, je me tenais devant la grève. Le marchand du bazar
arriva en compagnie de Mme Pouchard, pile à l’heure. Il déplia le
cerf-volant et me le présenta fièrement. Les ailes étaient
rafistolées, l’armature réparée et même si mon aigle avait un
peu l’air éclopé, il avait quand même retrouvé une belle allure.
― Tu peux lui faire faire un petit vol d’essai, mais sois
prudent, ce n’est plus un perdreau de l’année.
Deux petits «S» et un grand «8». Au premier coup de
vent, il s’est envolé. Le dévidoir filait à toute vitesse et Léon
applaudissait à tout-va. Mme Pouchard le prit par le bras et posa
sa tête sur son épaule. Il en rougit, elle s’excusa mais resta dans
la même position.
― Ce n’est pas parce qu’on est veuve, dit-elle, qu’on n’a pas
envie d’un peu de tendresse.
Je les ai remerciés tous les deux et les ai laissés sur la
plage. J’avais de la route à faire et j’étais pressé de rentrer.
*
**
J’ai appelé mon chef de service, j’ai prétendu que les
obsèques de ma mère me retenaient un peu plus que prévu, je
reprendrais mon service avec deux jours de retard.
Je sais, on commence par un mensonge et on ne sait plus
comment s’arrêter, mais je m’en fiche, chacun a ses raisons et
pour une fois moi aussi j’avais les miennes.
- 182 -
Chapitre 17
Je me suis présenté au conservatoire en début d’après-
midi. Le gardien m’a tout de suite reconnu. Sa gorge était
guérie, m’a-t-il dit en me faisant entrer dans son bureau. Je lui
demandai s’il pouvait m’aider à nouveau.
Cette fois, je cherchais où et quand Cléa Norman jouerait
son prochain concert.
― Je n’en sais rien, mais si vous voulez la voir, elle est
salle 105 au rez-de-chaussée au fond du couloir. Il faudra
attendre un peu, à cette heure-ci, elle enseigne et les cours se
terminent à 16 heures.
Je n’étais pas habillé comme il le fallait. Mal coiffé, mal
rasé, je me serais inventé mille raisons pour ne pas y aller. Je
n’étais pas encore prêt. Mais je n’ai pas pu résister à l’envie de la
voir.
Sa salle de classe était vitrée, je suis resté quelques instants
à la regarder depuis le couloir, elle enseignait à de jeunes
enfants. J’ai posé ma main sur la vitre, un de ses élèves a tourné
la tête vers moi et s’est arrêté de jouer. Je me suis baissé et suis
reparti à quatre pattes comme un idiot.
J’ai attendu Cléa dans la rue. Lorsqu’elle est sortie du
conservatoire, elle a noué ses cheveux et a marché vers la
station de bus son cartable à la main. Je l’ai suivie, comme on
suit son ombre, la lumière derrière soi. Pourtant, ce jour-là, Cléa
était ma seule lumière, elle avançait à quelques pas devant moi.
Elle est montée dans l’autobus, je me suis assis sur le
premier fauteuil et j’ai tourné la tête vers la vitre. Cléa s’est
installée sur la banquette arrière. À chaque arrêt j’avais
l’impression que mon cœur allait cesser de battre. Après six
stations, Cléa est descendue.
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Elle a remonté la rue sans jamais se retourner. Je l’ai vue
pousser la porte cochère d’un petit immeuble. Quelques instants
après, deux fenêtres se sont allumées au troisième et dernier
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 184 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!