Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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cuisine a été de me précipiter à la fenêtre. Le ciel était couvert,
pas la moindre trace de bleu à l’horizon, même pas de quoi
tailler une culotte de marin comme disait mon père, quand il se
résignait à annuler sa partie de pêche. J’ai bondi sur la
télécommande pour allumer la télé.
Maman ne comprenait pas pourquoi je m’intéressais
autant à la météo. J’ai raconté que je préparais un exposé sur le
réchauffement climatique et je lui ai demandé de bien vouloir
me laisser écouter sans interrompre tout le temps la dame qui
annonçait qu’un front nuageux dû à une forte zone de
dépression allait s’installer dans notre région pendant plusieurs
jours. Moi aussi j’allais sacrément déprimer si le soleil ne
revenait pas rapidement. Avec tous ces nuages, aucune chance
de voir les ombres apparaître, impossible donc de rendre la
sienne à Marquès. J’ai pris mon cartable et suis parti à l’école,
avec une boule au ventre.
*
**
Luc passait toutes les récrés assis sur le banc. Avec son
attelle et sa béquille, il n’avait pas grand-chose d’autre à faire.
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Je l’ai rejoint et il m’a montré Marquès du doigt. Ce grand
imbécile allait serrer les mains de tous les élèves de la classe et
faisait semblant de s’intéresser aux discussions des filles.
― Tiens, aide-moi à marcher, j’ai la jambe tout ankylosée.
Je lui ai tendu la main et nous sommes partis faire
quelques pas. Ça devait être mon jour de chance, au moment où
on s’est approchés de Marquès, une minuscule éclaircie a percé
le ciel obscur. J’ai regardé aussitôt le sol de la cour, c’était un
véritable fouillis, toutes les ombres se chevauchaient, comme
pour un conciliabule – on avait appris ce mot au cours d’histoire
juste avant la récré. Marquès s’est retourné vers nous et nous a
fait comprendre d’un regard que nous n’étions pas les
bienvenus dans les parages. Luc a haussé les épaules.
― Viens, il faut que je te parle. Le jour du vote approche,
m’a-t-il dit en s’appuyant sur sa béquille. Je te rappelle que les
élections ont lieu vendredi, il serait temps que tu fasses quelque
chose qui te rende un peu populaire.
Les mots de Luc avaient sonné comme une phrase
d’adulte. Le regarder boiter ainsi, le dos un peu voûté, me
replongea aussitôt dans un drôle de songe. Je nous voyais à
nouveau tous les deux, bien plus vieux que nous ne l’étions,
encore plus vieux que la dernière fois dans la boulangerie. À
croire que notre amitié avait duré toute une vie. Luc n’avait
presque plus de cheveux, son front dégarni remontait jusqu’au
milieu du crâne. Il avait les traits tirés, la peau de son visage
était flétrie, mais ses yeux bleus brillaient toujours autant, ce
que je trouvais rassurant.
― Qu’est-ce que tu voudrais faire plus tard? lui demandai-
je.
― Je ne sais pas, il faut décider de ça tout de suite?
― Non, pas forcément, enfin, je ne crois pas. Mais si tu
devais choisir maintenant, tu voudrais faire quoi?
― Reprendre la boulangerie de mes parents, j’imagine.
― Je voulais dire, si tu avais le choix de faire autre chose?
― J’aimerais être comme M. Chabrol, le médecin, mais je
ne crois pas que ce sera possible. Maman dit qu’au train où vont
les choses, il n’y aura bientôt plus assez de clients pour que la
boulangerie prospère. Depuis que le supermarché vend du pain,
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mes parents ont du mal à joindre les deux bouts, alors tu
imagines, me payer des études de médecine!
Je savais que Luc ne serait pas médecin, je le savais de
toutes mes forces depuis que nous avions partagé un pain au
chocolat et un éclair au café, depuis que je l’avais vu assis
derrière la caisse. Luc resterait dans notre petite ville; sa famille
n’aurait jamais les moyens de lui offrir de quoi faire de longues
études.
D’un côté, c’était une bonne nouvelle parce que ça signifiait
que la boulangerie résisterait à la guerre du supermarché, mais
il ne serait jamais docteur. Je ne voulais pas le lui annoncer, je
devinais que ça lui ferait de la peine, peut-être même que ça le
découragerait, il était pourtant le meilleur en sciences
naturelles. Alors je me suis tu et j’ai gardé ce secret pour moi. Il
faut que je fasse attention où je mets les pieds, que je surveille
chacun de mes pas. Même par jour de mauvais temps, on n’est
pas à l’abri d’une petite éclaircie. Savoir à l’avance ce qui va
arriver aux gens qu’on aime bien, ça ne rend pas nécessairement
heureux.
― Alors, pour cette élection, qu’est-ce que tu comptes
faire?
J’avais une autre question en tête.
― Luc, si tu avais le pouvoir de deviner ce que les gens
pensent, ou plutôt ce qui les rend malheureux, tu ferais quoi?
― Où est-ce que tu vas chercher des idées pareilles? Ça
n’existe pas, ce pouvoir-là.
― Je le sais bien, mais si ça existait quand même, comment
tu l’utiliserais?
― Je ne sais pas, ce n’est pas très marrant comme pouvoir,
j’imagine que j’aurais peur que le malheur des autres déteigne
sur moi.
― C’est tout ce que tu ferais? Tu aurais peur?
― Chaque fin de mois, quand mes parents font les comptes
de la boulangerie, je les vois inquiets, mais je ne peux rien y
faire et ça me rend malheureux. Alors si je devais ressentir le
malheur de tous les gens, ce serait terrible.
― Et si tu pouvais changer le cours des choses?
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― Ben, j’imagine que je le ferais. Bon, ton pouvoir me fiche
le cafard, alors revenons à cette élection et réfléchissons
ensemble.
― Luc, si tu devenais maire du village plus tard, ça te
plairait?
Luc s’adossa au mur de l’école pour reprendre un peu son
souffle. Il me regarda fixement et son air sombre fit place à un
grand sourire.
― J’imagine que ce serait chouette, mes parents aimeraient
bien ça, et puis je pourrais faire passer une loi pour interdire au
supermarché d’ouvrir un rayon boulangerie. Je crois que
j’interdirais aussi le rayon articles de pêche, parce que le
meilleur copain de mon père, c’est le droguiste sur la place du
marché et lui aussi ses affaires vont mal depuis que le
supermarché lui fait de la concurrence.
― Tu pourrais même faire voter une loi qui interdirait
complètement le supermarché.
― Je crois que quand je serai maire de la ville, me dit Luc
en me tapant sur l’épaule, je te prendrai comme ministre du
Commerce.
Plus tard en rentrant à la maison, il faudrait que je
demande à ma mère si les maires ont des ministres, j’aimerais
bien être le ministre de Luc mais j’ai quand même un petit
doute.
Dans le couloir qui menait à la salle de classe, j’ai espéré
que les choses se seraient remises en ordre pendant l’éclaircie à
la récré, et que l’ombre de Marquès aurait retrouvé son
propriétaire; j’ai prié pour qu’à la prochaine éclaircie je
retrouve la mienne au bout de mes chaussures et en même
temps, aussi étrange que cela paraisse, je me suis senti un peu
lâche d’avoir pensé ça.
*
**
La leçon de mathématiques venait de commencer quand
un bruit assourdissant se fit entendre dans la cour. Les carreaux
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volèrent en éclats, le professeur nous hurla de nous jeter à terre.
Il n’eut pas besoin de nous le répéter deux fois.
S’ensuivit comme un silence de mort. M. Gerbier se releva
le premier et nous demanda si l’un de nous était blessé, il avait
l’air terrorisé. À part quelques éclats de verre dans les cheveux
et deux filles qui pleuraient sans qu’on sache pourquoi, tout
allait plutôt bien, sauf les fenêtres qui faisaient vraiment la
gueule et les pupitres tout en désordre. Le professeur nous fit
sortir au plus vite et nous ordonna de nous mettre en file
indienne. Il quitta la classe en dernier et courut dans le couloir
pour se mettre devant nous. Je ne sais pas s’ils avaient répété
l’exercice entre profs mais toutes les autres classes avaient fait
comme nous et il y avait un monde fou; la cloche de la récré
sonnait à tout-va. Dans la cour, le spectacle était hallucinant.
Presque toutes les fenêtres de l’école étaient à nu et on voyait
s’élever une colonne de fumée derrière la remise du gardien.
― Mon Dieu, c’est la citerne de gaz! cria M. Gerbier.
Je ne voyais pas ce que Dieu venait faire là-dedans, à
moins qu’il ait eu besoin d’utiliser un briquet géant et qu’il ait
un peu merdouillé au moment de s’en servir. En même temps,
avec tout ce qu’on nous dit sur les cigarettes, je voyais mal Dieu
en train de s’en griller une, mais bon, on ne sait jamais, peut-
être que ses poumons à lui ne craignent rien, vu qu’il est déjà au
ciel. N’empêche, la colonne de fumée montait quand même
jusqu’à lui, mais c’était sûrement qu’une coïncidence.
Mme la directrice était dans tous ses états, elle ordonnait
aux professeurs de nous compter pour la troisième fois et
n’arrêtait pas de tourner en rond en répétant «Vous êtes sûrs
qu’ils sont tous là?» Et puis, un prénom lui venait en tête, alors
elle criait «Mathieu, le petit Mathieu, il est où? Ah, il est là!»,
puis elle passait à un autre. Heureusement elle n’avait pas pensé
à moi, je n’avais vraiment pas besoin qu’on rappelle que j’étais
petit, encore moins en pleine période électorale.
Il y avait un sacré grabuge à l’endroit de l’explosion. On
entendait le crépitement des flammes, elles grimpaient de plus
en plus haut derrière la remise du gardien, on voyait même
leurs ombres danser sur le toit. Et devant moi, j’ai vu celle
d’Yves, comme si elle était venue me trouver. Je l’ai vue avancer,
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je savais que c’était moi qu’elle cherchait, je le sentais de toutes
mes forces. Mme la directrice et les professeurs étaient bien trop
occupés à recompter les élèves pour faire attention à moi, alors
je me suis mis à marcher vers la remise, où l’ombre
m’entraînait.
On entendait dans le lointain hurler des sirènes, mais elles
étaient encore bien loin. L’ombre d’Yves me guidait toujours, je
me dirigeai vers la colonne de fumée, la chaleur grandissait,
j’avais de plus en plus de mal à progresser. Il fallait que j’y aille,
je crois que j’avais compris pourquoi l’ombre était venue à moi.
J’étais presque arrivé à la remise du gardien quand les
flammes se sont mises à lécher le toit. J’avais peur mais
j’avançais quand même. Soudain j’ai entendu Mme Schaeffer
hurler mon prénom. Elle courait derrière moi. Elle ne court pas
très vite, Mme Schaeffer. Elle me criait de revenir
immédiatement. J’aurais bien voulu lui obéir mais je ne pouvais
pas et j’ai continué vers où l’ombre me disait d’aller.
Devant la remise, la chaleur était devenue insupportable,
j’allais tourner la poignée de la porte quand la main de
Mme Schaeffer m’a saisi par l’épaule et m’a tiré en arrière. Elle
m’a lancé un regard incendiaire, c’était de circonstance, mais je
suis resté campé sur mes jambes et j’ai refusé de reculer. Je
fixais cette porte, mon regard ne pouvait pas s’en détacher. Elle
m’a attrapé par le bras, a commencé par me passer un savon,
mais j’ai réussi à me libérer et je suis reparti aussitôt vers la
remise. Et puis quand je l’ai sentie revenir dans mon dos, je lui
ai dit ce que j’avais sur le cœur, c’est sorti d’un coup.
― Il faut sauver le gardien! Il est pas dans la cour, il est
dans sa remise en train de suffoquer.
C’est Mme Schaeffer qui a failli suffoquer quand elle m’a
entendu lui dire ça. Elle m’a ordonné de reculer, et là, ce qu’elle
a fait m’en a bouché un coin. Elle est plutôt du genre menue,
Mme Schaeffer, rien à voir avec la mère de Luc, et pourtant, elle a
donné un de ces coups de pied dans la porte, la serrure n’a pas
résisté au charme de son tibia. Mme Schaeffer est entrée toute
seule dans la remise et elle en est ressortie deux minutes plus
tard en traînant Yves par les épaules. Je l’ai quand même un peu
aidée jusqu’à ce que le prof de gym vienne prendre la relève et
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que Mme la directrice m’attrape par le fond de la culotte pour me
ramener sous le préau.
Les pompiers sont arrivés. Ils ont éteint l’incendie, puis ils
ont emmené Yves à l’hôpital après nous avoir rassurés sur son
sort.
Mme la directrice était vraiment bizarre, elle n’arrêtait pas
de m’engueuler et en même temps elle se mettait à pleurer en
me serrant dans ses bras, me disant que j’avais sauvé Yves, que
personne n’avait pensé à lui, sauf moi, et qu’elle ne se le
pardonnerait jamais. Bref elle avait un mal fou à se décider.
Le chef des pompiers est venu me voir. Rien que moi. Il
m’a demandé de tousser, il a regardé mes paupières et
l’intérieur de ma bouche, et m’a examiné des pieds à la tête.
Puis, il m’a donné une tape dans le dos, en me disant que si je
voulais rejoindre sa brigade quand je serais grand, il serait
heureux de me compter dans ses rangs.
J’ai pu constater que maman n’était pas la seule mère
reliée par talkie-walkie avec Mme la directrice parce que je l’ai
vue débarquer avec plein d’autres parents dans la cour, tous
aussi paniqués.
On est rentrés à la maison, l’école était finie pour la
journée.
Le vendredi suivant, j’ai gagné l’élection du délégué de
classe à l’unanimité, moins une voix. Ce con de Marquès avait
voté pour lui.
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J’ai retrouvé Luc après le dépouillement des bulletins de
vote. Il n’a rien dit, il s’est juste contenté de sourire. On lui avait
enlevé son attelle le matin même et il m’a montré sa jambe
guérie, elle était quand même beaucoup plus mince que l’autre.
*
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Huit jours après l’explosion de la citerne, Yves est revenu à
l’école. Il avait l’air normal, à part un bandage autour du front
qui lui donnait un air de pirate. Ça lui allait plutôt bien, comme
si jusque-là, il manquait quelque chose à sa personnalité. Je ne
savais pas s’il fallait le lui dire, je verrais bien si l’occasion se
présentait un jour de parler de pirates.
À l’heure de la cantine, je suis sorti avant les autres, je
n’avais pas très faim. Yves était au fond de la cour, il regardait
ce qui restait de sa remise, c’est-à-dire pas grand-chose. Il était
penché sur les débris, un enchevêtrement de bouts de bois
calcinés qu’il soulevait délicatement. Je me suis avancé vers lui
mais, sans se retourner, il m’a dit:
― T’approche pas, c’est dangereux, tu pourrais te blesser.
Ça me semblait pas si dangereux que ça mais j’ai pas voulu
lui désobéir. Je suis resté un peu en arrière, il savait bien que
j’étais là mais au début, il a fait comme si de rien n’était. Je me
demandais ce qu’il cherchait, il n’y avait vraiment rien à sauver
au milieu de ce fatras. Puis il a saisi un truc rectangulaire
complètement cramé, il l’a posé sur ses genoux et tout son corps
s’est mis à trembler. Je crois bien qu’il pleurait et ça m’a fichu
un cafard aussi noir que les bouts de bois de la remise.
― Je t’ai dit de pas rester là!
J’ai pas bougé. Il avait l’air si désespéré, il ne pouvait pas
être sincère en me criant de partir. Ça se sentait bien qu’il ne
fallait pas le laisser tout seul. C’est ça être un ami, non? Savoir
deviner quand l’autre vous dit le contraire de ce qu’il pense au
fond de lui.
Yves s’est retourné vers moi, les yeux rouges. Des larmes
coulaient sur ses joues, comme de l’encre sur une feuille de
dessin mouillée. Il tenait dans ses mains un vieux cahier brûlé.
― Toute ma vie était là. Des photos, la seule lettre que
j’avais de ma mère, et tant d’autres souvenirs d’elle, collés sur
ces pages. Il ne reste que des cendres.
Yves a essayé de tourner la couverture mais elle s’est
émiettée sous ses doigts. Je me suis dit que j’avais bien fait de
rester auprès de lui.
― Votre tête n’a pas brûlé, vos souvenirs ne sont pas
perdus, il suffit de vous les rappeler. On pourrait recopier la
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lettre de votre maman et peut-être même dessiner ce qu’il y
avait sur les photos.
Yves a souri, je ne voyais pas ce qu’il y avait de drôle, mais
bon, j’étais content qu’il ait l’air moins malheureux.
― Je sais que c’est toi qui as donné l’alerte, m’a-t-il dit en
se redressant. Quand la citerne a explosé, je me suis précipité
dans la remise pour essayer de sauver ce que je pouvais. Il n’y
avait pas encore de flammes, seulement cette fumée épaisse qui
envahissait tout. J’ai pas tenu cinq minutes dans cet enfer.
Impossible d’ouvrir les yeux tant ça piquait, je n’ai pas retrouvé
la poignée de la porte. Je manquais d’air, j’ai paniqué, je n’ai pas
pu retenir ma respiration, et j’ai perdu connaissance.
C’était la première fois qu’on me racontait un incendie vu
de l’intérieur et c’était sacrément impressionnant à imaginer.
― Comment tu as su que j’étais là? a demandé Yves.
Son regard était redevenu si triste que j’ai pas voulu lui
mentir.
― Il était si important que ça, votre cahier?
― Faut croire, il a bien failli me coûter la vie. Je te dois une
fière chandelle et des excuses. L’autre jour, sur le banc, quand
tu m’as parlé de mon père, j’ai pensé que tu t’étais faufilé par ici
pour farfouiller dans mes affaires. Je n’ai jamais raconté mon
enfance à personne.
― Je savais même pas qu’il existait, votre cahier.
― Tu n’as pas répondu à ma question, comment as-tu su
que j’étais dans la remise en train de suffoquer?
Qu’est-ce que je pouvais bien lui répondre? Que son
ombre était venue me chercher? Qu’au milieu du chaos, elle
s’était glissée entre les autres ombres sur le ciment de la cour
pour venir jusqu’à moi? Que je l’avais vue me faire des signes
dans la lumière des flammes, qu’elle me suppliait de la suivre?
Quel adulte m’aurait cru?
Dans mon ancienne école, un copain s’en était collé pour
un an de séances chez la psychologue parce qu’il avait dit la
vérité. Les mercredis après-midi, pendant que nous avions
volley-ball ou piscine, lui c’était «salle d’attente et je te raconte
ma vie pendant une heure devant une bonne femme qui fait des
―Mmm, mmm∥ avec un sourire». Tout ça parce qu’un samedi à
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l’heure du déjeuner, son grand-père s’était écroulé de sommeil
devant lui et qu’il n’était jamais sorti de sa sieste. Pour
s’excuser, le papy de mon copain lui rendait visite pendant la
nuit et poursuivait la conversation qu’ils avaient interrompue
dans la cuisine pour cause de sieste subite. Personne ne voulait
le croire et, le matin, quand il racontait avoir vu son papy
pendant la nuit, tous les adultes le regardaient avec un air
consterné. Imaginez ce qui m’arriverait si je parlais de mon petit
problème avec les ombres. Si c’était pour être condamné à aller
voir la psychologue après être passé aux aveux, autant plaider
coupable, quitte à raconter à Yves que j’avais lu son cahier et
que j’en avais même appris des passages par cœur.
Yves ne me quittait pas des yeux, je jetai un regard en
douce vers la pendule de l’école, il restait encore une bonne
vingtaine de minutes avant que la cloche ne sonne.
― J’ai vu que vous n’étiez pas dans la cour et je me suis
inquiété pour vous.
Yves m’a regardé sans rien dire. Il a eu une quinte de toux,
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 177 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!