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Jack London. Love Of Live. Stories 5 ñòðàíèöà



puis s’est approché de moi et m’a murmuré:

― Je peux te confier un secret?

J’ai hoché la tête.

― Si un jour tu as quelque chose sur le cœur, quelque

chose dont tu ne te sens pas le courage de parler, sache que tu

pourras te confier à moi, je ne te trahirai pas. Maintenant, tu

peux aller jouer avec tes copains.

J’ai bien failli lâcher le morceau, je crois que ça m’aurait

soulagé de parler à une grande personne, et Yves était quelqu’un

de confiance. J’allais réfléchir à sa proposition le soir même

quand je serais dans mon lit et, si je la trouvais toujours

épatante au réveil, peut-être que je lui dirais la vérité.

Je suis parti rejoindre Luc. C’était la première fois depuis

qu’il avait récupéré sa jambe qu’il rejouait au basket mais sa

technique était loin d’être revenue et il avait besoin d’un

coéquipier.

*

**

- 41 -

Depuis l’explosion de la citerne, il n’y avait pas eu un seul

jour de soleil. Les vitres de l’école avaient été remplacées mais il

faisait terriblement froid dans les salles de classe et nous

gardions tous nos manteaux à l’intérieur. Mme Schaeffer faisait

son cours avec un bonnet sur la tête et ça rendait les leçons

d’anglais bien plus intéressantes à cause du pompon qui gigotait

chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Avec Luc, on se mordait la

langue pour ne pas rigoler. Le temps que les assurances

comprennent ce qui s’était passé, et donnent de l’argent à la

directrice pour acheter une citerne de gaz toute neuve, l’hiver

aurait passé. Tant que Mme Schaeffer gardait son bonnet à

pompon, c’était pas grave.

Entre Marquès et moi l’atmosphère était tout aussi

glaciale. Chaque fois qu’un professeur m’envoyait chercher des

documents au secrétariat, puisque ce genre de missions revenait

au délégué de classe, je sentais des flèches siffler dans mon dos.

Depuis que j’avais visité sa maison dans mes rêves, je ne lui en

voulais plus de rien et toutes ses brimades m’étaient bien égales.

Maman m’avait annoncé que ce samedi matin papa viendrait

me chercher et que nous passerions toute la journée ensemble

et je ne pensais plus qu’à ça. Ça me rendait heureux, même si je

m’inquiétais pour maman. Je n’arrêtais pas de me demander si

elle n’allait pas s’ennuyer toute seule et je me sentais un peu

coupable de l’abandonner.

Je crois que ma mère aussi doit lire dans les pensées qui

rendent triste, en tout cas dans les miennes; ce soir-là, elle est

entrée dans ma chambre au moment où j’éteignais la lumière,

elle s’est assise sur mon lit et elle m’a détaillé tout ce qu’elle

ferait pendant que je passerais la journée avec mon père. Elle

profiterait de mon absence pour aller chez le coiffeur. Elle avait

l’air ravie en disant ça, ce que je trouvais curieux, parce que

pour moi, aller chez le coiffeur, c’est plutôt une punition.

Maintenant que j’étais rassuré, plus les jours de la semaine

avançaient, plus j’avais du mal à me concentrer sur mes devoirs.

Je pensais sans cesse à ce que mon père et moi ferions quand

nous nous serions retrouvés. Peut-être qu’il m’emmènerait

manger une pizza comme il le faisait de temps en temps quand

on habitait encore ensemble. Il fallait que je me ressaisisse,

- 42 -

nous n’étions que jeudi, c’était vraiment pas le moment de se

faire coller.

La journée du vendredi, les heures semblaient contenir

plus de minutes que d’habitude. Comme lorsqu’on passe à

l’heure d’hiver, et que la journée en gagne une de plus. Ce

vendredi-là, on passait à l’heure d’hiver toutes les soixante

minutes. L’aiguille de la pendule au-dessus du tableau noir

avançait très lentement, si lentement que j’étais sûr que Dieu

nous avait arnaqués et que la récré du matin aurait dû être celle

de l’après-midi. Aucun doute, on s’était fait avoir.

*

**

J’avais fini mes devoirs, maman en était témoin, et je

m’étais couché les dents brossées avec une heure d’avance sur

l’horaire habituel. Je voulais être en forme le lendemain, je

savais que j’aurais du mal à trouver le sommeil. Il est venu

quand même mais je me suis réveillé plus tôt que d’habitude.

Je me suis levé sur la pointe des pieds, j’ai fait ma toilette

et je suis descendu en catimini préparer un petit déjeuner à ma

mère pour m’excuser de la laisser seule ce jour-là. Puis je suis

remonté m’habiller. J’ai mis le pantalon de flanelle et la chemise

blanche que je portais le jour où on avait emmené le grand-père

de mon copain au cimetière, pour qu’il continue sa sieste

tranquillement sans être dérangé. C’est très calme les

cimetières.

J’avais pris quelques centimètres depuis l’année

précédente, pas beaucoup mais le bas de mon pantalon arrivait

en haut de mes chaussettes. J’ai essayé de mettre la cravate que

papa m’avait achetée, ma première cravate, comme il avait dit le

jour où il me l’avait offerte. Je n’ai pas su faire le nœud, alors je

l’ai enroulée comme une écharpe. Après tout, c’est l’intention

qui compte, et puis ça me donnait l’allure d’un poète. J’avais vu

une photo de Baudelaire dans notre livre de français, lui non

plus ne savait pas très bien nouer sa cravate et pourtant les filles

ne juraient que par lui. J’étais un peu serré dans mon blazer,

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mais très élégant. J’aurais bien aimé me promener avec papa

sur la place du marché. Avec un peu de chance on aurait pu

croiser Élisabeth en train de faire des courses avec sa mère.

Je me suis regardé dans la glace de la salle de bains de mes

parents et je suis descendu attendre au salon.

Nous ne sommes pas allés sur la place du marché, papa

n’est pas venu. Il a appelé à midi, pour s’excuser. C’est à maman

qu’il a présenté ses excuses, parce que moi, j’ai pas voulu lui

parler. Maman avait l’air encore plus triste que moi. Elle m’a

proposé qu’on aille au restaurant, juste tous les deux, mais je

n’avais plus faim. Je me suis changé et j’ai rangé la cravate dans

l’armoire. J’espère ne pas trop grandir dans les mois à venir,

comme ça, si papa vient me chercher, mes beaux habits

devraient encore m’aller.

Il a plu tout le dimanche, on est restés avec maman à faire

des jeux, mais j’avais pas le cœur à gagner, alors j’ai pas cessé de

perdre.

*

**

Le lundi j’ai séché la cantine, j’ai horreur du veau et des

petits pois, et le lundi, c’est veau et petits pois. Je m’étais

préparé un sandwich au Nutella en douce avant de partir de la

maison et je suis allé le manger sous le marronnier. Yves était

en train de charger dans une brouette les ruines de son

ancienne remise. Il se rendait jusqu’aux grandes poubelles au

fond de la cour où il entassait tout ce qui restait de ses

souvenirs. Quand il m’a aperçu sur le banc, il est venu me

saluer. J’avais rien contre, depuis deux jours je me sentais seul

et sa compagnie ne pouvait pas me faire de mal. J’ai partagé

mon sandwich en deux et je lui ai offert la petite moitié. J’étais

sûr qu’il allait refuser mais il l’a mangée de bon appétit.

― Tu n’as pas l’air dans ton assiette, qu’est-ce qui t’arrive?

― Moi aussi j’ai plein de photos dans le grenier de ma

maison, si je vous les apportais vous pourriez m’aider à faire

mon album de souvenirs?

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― Pourquoi tu ne le fais pas toi-même?

― J’ai eu quatre sur vingt à mon herbier, je ne suis pas très

doué en collages.

Yves a souri, il m’a dit que j’étais peut-être encore un peu

jeune pour faire un album de souvenirs. Je lui ai répondu que

c’était surtout des photos de mes parents, avant ma naissance.

Par définition, je ne pouvais me souvenir de rien. Voilà

pourquoi je voulais coller ces photos dans un album, pour

mieux connaître mes parents, surtout mon père. Yves m’a

regardé en silence, comme quand maman essaie de savoir s’il y

a quelque chose qui cloche. Et puis il a dit que mes plus beaux

souvenirs étaient devant moi et que c’était une chance

merveilleuse.

Les grandes personnes vous disent toujours que c’est

merveilleux d’être un enfant, mais je vous jure qu’il y a des

jours, comme samedi dernier par exemple, où l’enfance, ça pue

vraiment.

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Chapitre 2

Les gens d’ici vous diront que nos hivers sont terribles,

qu’ils ne sont que grisaille et froid, trois mois durant, sans un

jour de répit. J’ai longtemps partagé leur point de vue, mais

quand le premier rayon de soleil risque de vous mettre en péril,

alors on adore ce pays où les hivers sont rigoureux. Le

problème, c’est que le printemps finit toujours par revenir.

*

**

Aux derniers jours de mars, le matin s’était levé sans un

nuage dans le ciel. Je marchais sur le chemin de l’école et, à

mon grand bonheur, l’ombre devant moi semblait bien me

correspondre.

Je m’arrêtai devant la boulangerie où je retrouvais toujours

Luc, sa maman m’adressa un bonjour derrière la vitrine. Je le

lui rendis aussitôt et profitai que Luc ne soit pas encore

descendu pour étudier de plus près ce qui se passait sur le

trottoir. Aucun doute, j’avais retrouvé mon ombre. Je

reconnaissais même les mèches que maman essayait

systématiquement d’aplatir sur mon front avant mon départ à

l’école, en me disant que j’avais des épis de blé qui poussaient

au milieu du crâne, comme mon père. C’est peut-être à cause de

ça qu’elle s’en prenait à eux tous les matins.

Avoir retrouvé mon ombre était une sacrée bonne nouvelle.

Mon problème maintenant était de faire bien attention à ne plus

la perdre et surtout à ne pas en emprunter une autre. Luc avait

probablement raison, le malheur des autres, ça devait être

contagieux, j’avais été malheureux tout l’hiver.

― Tu vas regarder longtemps tes pieds? me demanda Luc.

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Je ne l’avais pas entendu arriver, il m’entraîna en me

donnant une tape sur l’épaule.

― Dépêche-toi, on va finir par être en retard.

Il se passe une chose étrange à l’arrivée du printemps.

Certaines filles changent de coiffure, je ne l’avais pas remarqué

avant mais là, en regardant Élisabeth au milieu de la cour,

c’était devenu une évidence.

Elle avait défait sa queue-de-cheval et ses cheveux lui

tombaient aux épaules. Ça la rendait beaucoup plus belle, et

moi, sans que je comprenne pourquoi, beaucoup plus triste.

Peut-être parce que je devinais qu’elle ne poserait jamais son

regard sur moi. J’avais gagné l’élection du délégué de classe

mais Marquès avait gagné le cœur d’Élisabeth, et je ne m’étais

rendu compte de rien. Trop occupé par mes stupides tracas avec

les ombres, je n’avais rien vu venir, rien entendu de leur

complicité qui se nouait dans mon dos pendant que j’occupais le

premier rang de la salle de classe. Je n’avais pas repéré le petit

stratagème d’Élisabeth qui reculait d’un rang de semaine en

semaine, chaque fois qu’elle en avait l’occasion. Elle avait

d’abord changé de place avec Anne, puis avec Zoé, jusqu’à

atteindre son but sans que personne découvre sa manœuvre.

J’ai tout compris le premier jour du printemps, au milieu

de la cour, en regardant ses beaux cheveux qui lui tombaient

aux épaules et ses yeux bleus posés sur Marquès alors qu’il

triomphait au basket. Plus tard, j’ai vu sa main prendre la

sienne et j’ai serré mes doigts à m’en marquer les paumes avec

mes ongles. Et pourtant, la voir aussi heureuse me faisait

quelque chose d’étrange, comme un élan dans la poitrine. Je

crois que l’amour, c’est triste et merveilleux.

Yves est venu me rejoindre sur mon banc.

― Qu’est-ce que tu fais là tout seul au lieu d’aller jouer avec

les autres?

― Je réfléchis.

― À quoi?

― À quoi ça sert d’aimer.

― Je ne suis pas certain d’être la personne la plus qualifiée

pour te répondre.

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― C’est pas grave, je crois que je ne suis pas le garçon le

plus qualifié pour poser cette question.

― Tu es amoureux?

― C’est fini, la femme de ma vie en aime un autre.

Yves s’est mordu les lèvres, et ça m’a vexé. J’ai voulu me

lever, mais il m’a retenu par le bras et m’a obligé à me rasseoir.

― Reste, nous n’avons pas fini notre conversation.

― De quoi vous voulez qu’on parle?

― D’elle, de qui veux-tu qu’on parle!

― C’était perdu d’avance, je le savais, mais je n’ai pas pu

m’empêcher de l’aimer quand même.

― Qui est-ce?

― Celle qui tient la main du grand malabar, là-bas, près du

panier de basket.

Yves a regardé Élisabeth et a hoché la tête.

― Je comprends, elle est jolie.

― Je suis trop petit pour elle.

― Cela n’a rien à voir avec ta taille. Ça te fait de la peine de

la voir avec Marquès?

― À votre avis?

― Ce serait peut-être mieux que la femme de ta vie soit

celle qui te rend heureux, non?

Je n’avais pas vu les choses sous cet angle. Évidemment,

dit comme ça, ça donnait à réfléchir.

― Alors peut-être que ce n’est pas elle, la femme de ta vie?

― Peut-être..., ai-je répondu à Yves en soupirant.

― As-tu déjà pensé à faire la liste de tout ce dont tu aurais

envie? me demanda Yves.

J’avais commencé cette liste depuis longtemps. À l’époque

où je croyais encore au Père Noël, je la lui postais chaque

22 décembre. Mon père m’accompagnait jusqu’à la boîte aux

lettres au bout de la rue et il me portait pour que je glisse

l’enveloppe dans la fente. J’aurais dû deviner la supercherie, il

n’y avait ni adresse, ni timbre. J’aurais dû me douter que mon

père nous quitterait un jour. On commence par un mensonge et

on ne sait plus comment s’arrêter. Oui, j’avais entamé la

rédaction de cette liste à six ans, et chaque année je la

complétais et la raturais. Devenir pompier, vétérinaire,

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astronaute, capitaine de marine marchande, boulanger pour

être heureux comme la famille de Luc, j’avais eu envie de tout

cela. Avoir un train électrique, une belle maquette d’avion,

manger une pizza avec mon père un samedi, réussir ma vie et

emmener ma mère loin de la ville où nous vivions. Lui offrir une

belle maison où passer ses vieux jours sans plus jamais devoir

travailler, ne plus la voir rentrer si fatiguée le soir et effacer de

son visage la tristesse que je lisais parfois dans ses yeux, cette

tristesse qui me tordait le ventre comme un coup de poing de

Marquès quand il vous frappe à l’estomac.

― Je voudrais, reprit Yves, que tu fasses quelque chose

pour moi, quelque chose qui me ferait vraiment plaisir.

Je le regardais en attendant qu’il me dise ce qui lui ferait

tant plaisir.

― Tu pourrais rédiger une autre liste pour moi?

― Quel genre?

― La liste de tout ce que tu ne voudrais jamais faire.

― Comme quoi?

― Je ne sais pas, moi, cherche. Qu’est-ce que tu détestes le

plus chez les adultes?

― Quand ils vous disent «Tu comprendras quand tu auras

mon âge!»

― Eh bien écris sur la liste des choses que tu ne voudras

jamais dire lorsque tu seras adulte: «Tu comprendras quand tu

auras mon âge!» Autre chose qui te vienne à l’esprit?

― Dire à son fils qu’on ira manger une pizza avec lui le

samedi et ne pas tenir sa promesse.

― Alors ajoute à ta liste «Ne pas tenir une promesse faite à

mon fils». Tu as compris l’idée maintenant?

― Je crois, oui.

― Lorsqu’elle sera complète, apprends-la par cœur.

― Pour quoi faire?

― Pour t’en souvenir!

Yves avait dit ça en me donnant un coup de coude

complice. J’ai promis d’écrire cette liste dès que possible et de la

lui montrer afin qu’on en discute ensemble.

― Tu sais, a-t-il ajouté alors que je me levais, avec

Élisabeth, ce n’est peut-être pas définitivement perdu. Une belle

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rencontre, c’est parfois aussi une question de temps. Il faut se

trouver l’un l’autre au bon moment.

J’ai laissé Yves et j’ai rejoint ma salle de classe.

Ce soir-là, dans ma chambre, j’ai pris une feuille de papier,

je l’ai glissée sous mon cahier de mathématiques, et dès que

maman est allée ranger la cuisine, j’ai commencé ma nouvelle

liste. En m’endormant, j’ai réfléchi à ma conversation avec

Yves; pour Élisabeth et moi, je crois bien que cette année,

c’était pas le bon moment.

*

**

Je n’avais pas cessé de me poser des questions depuis la

rentrée. Plus on vieillit, plus on s’interroge sur des tas de

choses. Pour Élisabeth, j’avais trouvé des explications

satisfaisantes, mais en ce qui concernait mon problème avec les

ombres, c’était le noir absolu. Pourquoi ça m’arrivait à moi?

Est-ce que j’étais le seul à pouvoir leur parler? Et qu’est-ce que

j’allais faire si ça recommençait dès que je croisais quelqu’un?

Tous les matins, je vérifiais la météo avant de partir à

l’école. Pour donner le change à la maison, j’avais proposé à

notre professeur de sciences naturelles de faire un exposé sur le

réchauffement climatique, il avait tout de suite accepté. Maman

avait même décidé de me prêter main-forte. Dès qu’un article

écolo paraissait dans le journal, elle le découpait. Le soir, elle

me le lisait et nous le collions ensemble dans un grand cahier à

spirale qu’elle avait failli acheter au supermarché avant que je

l’oblige à aller chez le papetier sur la place de l’église. La dame

de la météo avait annoncé la nouvelle pleine lune pour la fin de

la semaine, dans la nuit de samedi à dimanche.

Cette information me plongea dans une profonde réflexion.

Agir ou ne pas agir, comme aurait dit mon ami Luc, s’il avait eu

un lien de parenté avec le père d’Hamlet.

Depuis le retour des beaux jours, je faisais très attention à

ne jamais rester longtemps trop près d’un copain quand la cour

était ensoleillée.

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En même temps, j’avais l’impression de passer à côté de

quelque chose d’important. Si Dieu avait fait péter la citerne de

gaz de mon école, c’était peut-être pour m’envoyer un signal, un

truc du genre: «Je t’ai à l’œil, si tu crois que je t’ai donné ce

petit pouvoir pour que tu fasses comme si de rien n’était!»

Ce jeudi-là, je repensais à tout ça quand Yves est venu me

rejoindre sur le banc où j’aimais aller m’asseoir pour réfléchir.

― Alors, cet album, ça avance?

― J’ai pas trop le temps en ce moment, je suis sur un

exposé.

L’ombre d’Yves était juste à côté de la mienne.

― J’ai fait ce que tu m’as suggéré l’autre jour.

Je me souvenais plus de ce que j’avais suggéré à Yves.

― J’ai recopié la lettre de ma mère, telle que je m’en

souvenais, pas mot à mot, mais j’ai pu reproduire l’essentiel.

C’était une bonne idée, tu sais. Ce n’est plus son écriture,

pourtant lorsque je la relis, j’y retrouve presque la même

émotion.

― Qu’est-ce qu’elle vous disait dans cette lettre, votre

maman, si c’est pas trop indiscret?

Yves a attendu quelques secondes avant de me répondre,

puis il a murmuré:

― Qu’elle m’aimait.

― Ah oui, c’est pas trop long à recopier.

Je me suis approché de lui, parce qu’il parlait tout bas, et

là, à mon insu, nos ombres se sont chevauchées. Ce que j’ai vu





Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 187 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!



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