Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
|
puis s’est approché de moi et m’a murmuré:
― Je peux te confier un secret?
J’ai hoché la tête.
― Si un jour tu as quelque chose sur le cœur, quelque
chose dont tu ne te sens pas le courage de parler, sache que tu
pourras te confier à moi, je ne te trahirai pas. Maintenant, tu
peux aller jouer avec tes copains.
J’ai bien failli lâcher le morceau, je crois que ça m’aurait
soulagé de parler à une grande personne, et Yves était quelqu’un
de confiance. J’allais réfléchir à sa proposition le soir même
quand je serais dans mon lit et, si je la trouvais toujours
épatante au réveil, peut-être que je lui dirais la vérité.
Je suis parti rejoindre Luc. C’était la première fois depuis
qu’il avait récupéré sa jambe qu’il rejouait au basket mais sa
technique était loin d’être revenue et il avait besoin d’un
coéquipier.
*
**
- 41 -
Depuis l’explosion de la citerne, il n’y avait pas eu un seul
jour de soleil. Les vitres de l’école avaient été remplacées mais il
faisait terriblement froid dans les salles de classe et nous
gardions tous nos manteaux à l’intérieur. Mme Schaeffer faisait
son cours avec un bonnet sur la tête et ça rendait les leçons
d’anglais bien plus intéressantes à cause du pompon qui gigotait
chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Avec Luc, on se mordait la
langue pour ne pas rigoler. Le temps que les assurances
comprennent ce qui s’était passé, et donnent de l’argent à la
directrice pour acheter une citerne de gaz toute neuve, l’hiver
aurait passé. Tant que Mme Schaeffer gardait son bonnet à
pompon, c’était pas grave.
Entre Marquès et moi l’atmosphère était tout aussi
glaciale. Chaque fois qu’un professeur m’envoyait chercher des
documents au secrétariat, puisque ce genre de missions revenait
au délégué de classe, je sentais des flèches siffler dans mon dos.
Depuis que j’avais visité sa maison dans mes rêves, je ne lui en
voulais plus de rien et toutes ses brimades m’étaient bien égales.
Maman m’avait annoncé que ce samedi matin papa viendrait
me chercher et que nous passerions toute la journée ensemble
et je ne pensais plus qu’à ça. Ça me rendait heureux, même si je
m’inquiétais pour maman. Je n’arrêtais pas de me demander si
elle n’allait pas s’ennuyer toute seule et je me sentais un peu
coupable de l’abandonner.
Je crois que ma mère aussi doit lire dans les pensées qui
rendent triste, en tout cas dans les miennes; ce soir-là, elle est
entrée dans ma chambre au moment où j’éteignais la lumière,
elle s’est assise sur mon lit et elle m’a détaillé tout ce qu’elle
ferait pendant que je passerais la journée avec mon père. Elle
profiterait de mon absence pour aller chez le coiffeur. Elle avait
l’air ravie en disant ça, ce que je trouvais curieux, parce que
pour moi, aller chez le coiffeur, c’est plutôt une punition.
Maintenant que j’étais rassuré, plus les jours de la semaine
avançaient, plus j’avais du mal à me concentrer sur mes devoirs.
Je pensais sans cesse à ce que mon père et moi ferions quand
nous nous serions retrouvés. Peut-être qu’il m’emmènerait
manger une pizza comme il le faisait de temps en temps quand
on habitait encore ensemble. Il fallait que je me ressaisisse,
- 42 -
nous n’étions que jeudi, c’était vraiment pas le moment de se
faire coller.
La journée du vendredi, les heures semblaient contenir
plus de minutes que d’habitude. Comme lorsqu’on passe à
l’heure d’hiver, et que la journée en gagne une de plus. Ce
vendredi-là, on passait à l’heure d’hiver toutes les soixante
minutes. L’aiguille de la pendule au-dessus du tableau noir
avançait très lentement, si lentement que j’étais sûr que Dieu
nous avait arnaqués et que la récré du matin aurait dû être celle
de l’après-midi. Aucun doute, on s’était fait avoir.
*
**
J’avais fini mes devoirs, maman en était témoin, et je
m’étais couché les dents brossées avec une heure d’avance sur
l’horaire habituel. Je voulais être en forme le lendemain, je
savais que j’aurais du mal à trouver le sommeil. Il est venu
quand même mais je me suis réveillé plus tôt que d’habitude.
Je me suis levé sur la pointe des pieds, j’ai fait ma toilette
et je suis descendu en catimini préparer un petit déjeuner à ma
mère pour m’excuser de la laisser seule ce jour-là. Puis je suis
remonté m’habiller. J’ai mis le pantalon de flanelle et la chemise
blanche que je portais le jour où on avait emmené le grand-père
de mon copain au cimetière, pour qu’il continue sa sieste
tranquillement sans être dérangé. C’est très calme les
cimetières.
J’avais pris quelques centimètres depuis l’année
précédente, pas beaucoup mais le bas de mon pantalon arrivait
en haut de mes chaussettes. J’ai essayé de mettre la cravate que
papa m’avait achetée, ma première cravate, comme il avait dit le
jour où il me l’avait offerte. Je n’ai pas su faire le nœud, alors je
l’ai enroulée comme une écharpe. Après tout, c’est l’intention
qui compte, et puis ça me donnait l’allure d’un poète. J’avais vu
une photo de Baudelaire dans notre livre de français, lui non
plus ne savait pas très bien nouer sa cravate et pourtant les filles
ne juraient que par lui. J’étais un peu serré dans mon blazer,
- 43 -
mais très élégant. J’aurais bien aimé me promener avec papa
sur la place du marché. Avec un peu de chance on aurait pu
croiser Élisabeth en train de faire des courses avec sa mère.
Je me suis regardé dans la glace de la salle de bains de mes
parents et je suis descendu attendre au salon.
Nous ne sommes pas allés sur la place du marché, papa
n’est pas venu. Il a appelé à midi, pour s’excuser. C’est à maman
qu’il a présenté ses excuses, parce que moi, j’ai pas voulu lui
parler. Maman avait l’air encore plus triste que moi. Elle m’a
proposé qu’on aille au restaurant, juste tous les deux, mais je
n’avais plus faim. Je me suis changé et j’ai rangé la cravate dans
l’armoire. J’espère ne pas trop grandir dans les mois à venir,
comme ça, si papa vient me chercher, mes beaux habits
devraient encore m’aller.
Il a plu tout le dimanche, on est restés avec maman à faire
des jeux, mais j’avais pas le cœur à gagner, alors j’ai pas cessé de
perdre.
*
**
Le lundi j’ai séché la cantine, j’ai horreur du veau et des
petits pois, et le lundi, c’est veau et petits pois. Je m’étais
préparé un sandwich au Nutella en douce avant de partir de la
maison et je suis allé le manger sous le marronnier. Yves était
en train de charger dans une brouette les ruines de son
ancienne remise. Il se rendait jusqu’aux grandes poubelles au
fond de la cour où il entassait tout ce qui restait de ses
souvenirs. Quand il m’a aperçu sur le banc, il est venu me
saluer. J’avais rien contre, depuis deux jours je me sentais seul
et sa compagnie ne pouvait pas me faire de mal. J’ai partagé
mon sandwich en deux et je lui ai offert la petite moitié. J’étais
sûr qu’il allait refuser mais il l’a mangée de bon appétit.
― Tu n’as pas l’air dans ton assiette, qu’est-ce qui t’arrive?
― Moi aussi j’ai plein de photos dans le grenier de ma
maison, si je vous les apportais vous pourriez m’aider à faire
mon album de souvenirs?
- 44 -
― Pourquoi tu ne le fais pas toi-même?
― J’ai eu quatre sur vingt à mon herbier, je ne suis pas très
doué en collages.
Yves a souri, il m’a dit que j’étais peut-être encore un peu
jeune pour faire un album de souvenirs. Je lui ai répondu que
c’était surtout des photos de mes parents, avant ma naissance.
Par définition, je ne pouvais me souvenir de rien. Voilà
pourquoi je voulais coller ces photos dans un album, pour
mieux connaître mes parents, surtout mon père. Yves m’a
regardé en silence, comme quand maman essaie de savoir s’il y
a quelque chose qui cloche. Et puis il a dit que mes plus beaux
souvenirs étaient devant moi et que c’était une chance
merveilleuse.
Les grandes personnes vous disent toujours que c’est
merveilleux d’être un enfant, mais je vous jure qu’il y a des
jours, comme samedi dernier par exemple, où l’enfance, ça pue
vraiment.
- 45 -
Chapitre 2
Les gens d’ici vous diront que nos hivers sont terribles,
qu’ils ne sont que grisaille et froid, trois mois durant, sans un
jour de répit. J’ai longtemps partagé leur point de vue, mais
quand le premier rayon de soleil risque de vous mettre en péril,
alors on adore ce pays où les hivers sont rigoureux. Le
problème, c’est que le printemps finit toujours par revenir.
*
**
Aux derniers jours de mars, le matin s’était levé sans un
nuage dans le ciel. Je marchais sur le chemin de l’école et, à
mon grand bonheur, l’ombre devant moi semblait bien me
correspondre.
Je m’arrêtai devant la boulangerie où je retrouvais toujours
Luc, sa maman m’adressa un bonjour derrière la vitrine. Je le
lui rendis aussitôt et profitai que Luc ne soit pas encore
descendu pour étudier de plus près ce qui se passait sur le
trottoir. Aucun doute, j’avais retrouvé mon ombre. Je
reconnaissais même les mèches que maman essayait
systématiquement d’aplatir sur mon front avant mon départ à
l’école, en me disant que j’avais des épis de blé qui poussaient
au milieu du crâne, comme mon père. C’est peut-être à cause de
ça qu’elle s’en prenait à eux tous les matins.
Avoir retrouvé mon ombre était une sacrée bonne nouvelle.
Mon problème maintenant était de faire bien attention à ne plus
la perdre et surtout à ne pas en emprunter une autre. Luc avait
probablement raison, le malheur des autres, ça devait être
contagieux, j’avais été malheureux tout l’hiver.
― Tu vas regarder longtemps tes pieds? me demanda Luc.
- 46 -
Je ne l’avais pas entendu arriver, il m’entraîna en me
donnant une tape sur l’épaule.
― Dépêche-toi, on va finir par être en retard.
Il se passe une chose étrange à l’arrivée du printemps.
Certaines filles changent de coiffure, je ne l’avais pas remarqué
avant mais là, en regardant Élisabeth au milieu de la cour,
c’était devenu une évidence.
Elle avait défait sa queue-de-cheval et ses cheveux lui
tombaient aux épaules. Ça la rendait beaucoup plus belle, et
moi, sans que je comprenne pourquoi, beaucoup plus triste.
Peut-être parce que je devinais qu’elle ne poserait jamais son
regard sur moi. J’avais gagné l’élection du délégué de classe
mais Marquès avait gagné le cœur d’Élisabeth, et je ne m’étais
rendu compte de rien. Trop occupé par mes stupides tracas avec
les ombres, je n’avais rien vu venir, rien entendu de leur
complicité qui se nouait dans mon dos pendant que j’occupais le
premier rang de la salle de classe. Je n’avais pas repéré le petit
stratagème d’Élisabeth qui reculait d’un rang de semaine en
semaine, chaque fois qu’elle en avait l’occasion. Elle avait
d’abord changé de place avec Anne, puis avec Zoé, jusqu’à
atteindre son but sans que personne découvre sa manœuvre.
J’ai tout compris le premier jour du printemps, au milieu
de la cour, en regardant ses beaux cheveux qui lui tombaient
aux épaules et ses yeux bleus posés sur Marquès alors qu’il
triomphait au basket. Plus tard, j’ai vu sa main prendre la
sienne et j’ai serré mes doigts à m’en marquer les paumes avec
mes ongles. Et pourtant, la voir aussi heureuse me faisait
quelque chose d’étrange, comme un élan dans la poitrine. Je
crois que l’amour, c’est triste et merveilleux.
Yves est venu me rejoindre sur mon banc.
― Qu’est-ce que tu fais là tout seul au lieu d’aller jouer avec
les autres?
― Je réfléchis.
― À quoi?
― À quoi ça sert d’aimer.
― Je ne suis pas certain d’être la personne la plus qualifiée
pour te répondre.
- 47 -
― C’est pas grave, je crois que je ne suis pas le garçon le
plus qualifié pour poser cette question.
― Tu es amoureux?
― C’est fini, la femme de ma vie en aime un autre.
Yves s’est mordu les lèvres, et ça m’a vexé. J’ai voulu me
lever, mais il m’a retenu par le bras et m’a obligé à me rasseoir.
― Reste, nous n’avons pas fini notre conversation.
― De quoi vous voulez qu’on parle?
― D’elle, de qui veux-tu qu’on parle!
― C’était perdu d’avance, je le savais, mais je n’ai pas pu
m’empêcher de l’aimer quand même.
― Qui est-ce?
― Celle qui tient la main du grand malabar, là-bas, près du
panier de basket.
Yves a regardé Élisabeth et a hoché la tête.
― Je comprends, elle est jolie.
― Je suis trop petit pour elle.
― Cela n’a rien à voir avec ta taille. Ça te fait de la peine de
la voir avec Marquès?
― À votre avis?
― Ce serait peut-être mieux que la femme de ta vie soit
celle qui te rend heureux, non?
Je n’avais pas vu les choses sous cet angle. Évidemment,
dit comme ça, ça donnait à réfléchir.
― Alors peut-être que ce n’est pas elle, la femme de ta vie?
― Peut-être..., ai-je répondu à Yves en soupirant.
― As-tu déjà pensé à faire la liste de tout ce dont tu aurais
envie? me demanda Yves.
J’avais commencé cette liste depuis longtemps. À l’époque
où je croyais encore au Père Noël, je la lui postais chaque
22 décembre. Mon père m’accompagnait jusqu’à la boîte aux
lettres au bout de la rue et il me portait pour que je glisse
l’enveloppe dans la fente. J’aurais dû deviner la supercherie, il
n’y avait ni adresse, ni timbre. J’aurais dû me douter que mon
père nous quitterait un jour. On commence par un mensonge et
on ne sait plus comment s’arrêter. Oui, j’avais entamé la
rédaction de cette liste à six ans, et chaque année je la
complétais et la raturais. Devenir pompier, vétérinaire,
- 48 -
astronaute, capitaine de marine marchande, boulanger pour
être heureux comme la famille de Luc, j’avais eu envie de tout
cela. Avoir un train électrique, une belle maquette d’avion,
manger une pizza avec mon père un samedi, réussir ma vie et
emmener ma mère loin de la ville où nous vivions. Lui offrir une
belle maison où passer ses vieux jours sans plus jamais devoir
travailler, ne plus la voir rentrer si fatiguée le soir et effacer de
son visage la tristesse que je lisais parfois dans ses yeux, cette
tristesse qui me tordait le ventre comme un coup de poing de
Marquès quand il vous frappe à l’estomac.
― Je voudrais, reprit Yves, que tu fasses quelque chose
pour moi, quelque chose qui me ferait vraiment plaisir.
Je le regardais en attendant qu’il me dise ce qui lui ferait
tant plaisir.
― Tu pourrais rédiger une autre liste pour moi?
― Quel genre?
― La liste de tout ce que tu ne voudrais jamais faire.
― Comme quoi?
― Je ne sais pas, moi, cherche. Qu’est-ce que tu détestes le
plus chez les adultes?
― Quand ils vous disent «Tu comprendras quand tu auras
mon âge!»
― Eh bien écris sur la liste des choses que tu ne voudras
jamais dire lorsque tu seras adulte: «Tu comprendras quand tu
auras mon âge!» Autre chose qui te vienne à l’esprit?
― Dire à son fils qu’on ira manger une pizza avec lui le
samedi et ne pas tenir sa promesse.
― Alors ajoute à ta liste «Ne pas tenir une promesse faite à
mon fils». Tu as compris l’idée maintenant?
― Je crois, oui.
― Lorsqu’elle sera complète, apprends-la par cœur.
― Pour quoi faire?
― Pour t’en souvenir!
Yves avait dit ça en me donnant un coup de coude
complice. J’ai promis d’écrire cette liste dès que possible et de la
lui montrer afin qu’on en discute ensemble.
― Tu sais, a-t-il ajouté alors que je me levais, avec
Élisabeth, ce n’est peut-être pas définitivement perdu. Une belle
- 49 -
rencontre, c’est parfois aussi une question de temps. Il faut se
trouver l’un l’autre au bon moment.
J’ai laissé Yves et j’ai rejoint ma salle de classe.
Ce soir-là, dans ma chambre, j’ai pris une feuille de papier,
je l’ai glissée sous mon cahier de mathématiques, et dès que
maman est allée ranger la cuisine, j’ai commencé ma nouvelle
liste. En m’endormant, j’ai réfléchi à ma conversation avec
Yves; pour Élisabeth et moi, je crois bien que cette année,
c’était pas le bon moment.
*
**
Je n’avais pas cessé de me poser des questions depuis la
rentrée. Plus on vieillit, plus on s’interroge sur des tas de
choses. Pour Élisabeth, j’avais trouvé des explications
satisfaisantes, mais en ce qui concernait mon problème avec les
ombres, c’était le noir absolu. Pourquoi ça m’arrivait à moi?
Est-ce que j’étais le seul à pouvoir leur parler? Et qu’est-ce que
j’allais faire si ça recommençait dès que je croisais quelqu’un?
Tous les matins, je vérifiais la météo avant de partir à
l’école. Pour donner le change à la maison, j’avais proposé à
notre professeur de sciences naturelles de faire un exposé sur le
réchauffement climatique, il avait tout de suite accepté. Maman
avait même décidé de me prêter main-forte. Dès qu’un article
écolo paraissait dans le journal, elle le découpait. Le soir, elle
me le lisait et nous le collions ensemble dans un grand cahier à
spirale qu’elle avait failli acheter au supermarché avant que je
l’oblige à aller chez le papetier sur la place de l’église. La dame
de la météo avait annoncé la nouvelle pleine lune pour la fin de
la semaine, dans la nuit de samedi à dimanche.
Cette information me plongea dans une profonde réflexion.
Agir ou ne pas agir, comme aurait dit mon ami Luc, s’il avait eu
un lien de parenté avec le père d’Hamlet.
Depuis le retour des beaux jours, je faisais très attention à
ne jamais rester longtemps trop près d’un copain quand la cour
était ensoleillée.
- 50 -
En même temps, j’avais l’impression de passer à côté de
quelque chose d’important. Si Dieu avait fait péter la citerne de
gaz de mon école, c’était peut-être pour m’envoyer un signal, un
truc du genre: «Je t’ai à l’œil, si tu crois que je t’ai donné ce
petit pouvoir pour que tu fasses comme si de rien n’était!»
Ce jeudi-là, je repensais à tout ça quand Yves est venu me
rejoindre sur le banc où j’aimais aller m’asseoir pour réfléchir.
― Alors, cet album, ça avance?
― J’ai pas trop le temps en ce moment, je suis sur un
exposé.
L’ombre d’Yves était juste à côté de la mienne.
― J’ai fait ce que tu m’as suggéré l’autre jour.
Je me souvenais plus de ce que j’avais suggéré à Yves.
― J’ai recopié la lettre de ma mère, telle que je m’en
souvenais, pas mot à mot, mais j’ai pu reproduire l’essentiel.
C’était une bonne idée, tu sais. Ce n’est plus son écriture,
pourtant lorsque je la relis, j’y retrouve presque la même
émotion.
― Qu’est-ce qu’elle vous disait dans cette lettre, votre
maman, si c’est pas trop indiscret?
Yves a attendu quelques secondes avant de me répondre,
puis il a murmuré:
― Qu’elle m’aimait.
― Ah oui, c’est pas trop long à recopier.
Je me suis approché de lui, parce qu’il parlait tout bas, et
là, à mon insu, nos ombres se sont chevauchées. Ce que j’ai vu
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 187 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!