Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà Êîíòàêòû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû! | ||
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dans la cour avec Marquès ne m’enchantait pas vraiment, mais
j’étais bien obligé de suivre les copains.
Je m’étais isolé sur le banc où j’avais taillé un brin de
conversation avec le gardien pendant ma colle, juste avant de
rentrer à la maison pour apprendre que mon père nous quittait,
lorsque Marquès est venu s’asseoir à côté de moi.
― Je t’ai à l’œil, me dit-il en m’empoignant par l’épaule. Ne
t’avise pas de te présenter à l’élection du délégué de classe, je
suis le plus vieux et c’est à moi que revient ce poste. Si tu veux
que je te fiche la paix, un conseil, fais-toi discret, et puis ne
t’approche pas d’Élisabeth, je dis ça pour ton bien. Tu es trop
jeune, tu n’as aucune chance, alors inutile d’espérer, tu te ferais
de la peine pour rien, petit crétin.
Il faisait beau ce matin-là dans la cour de récréation, je
m’en souviens parfaitement, et pour cause! Nos deux ombres se
côtoyaient sur le bitume. Celle de Marquès mesurait un bon
mètre de plus que la mienne, question de proportions, c’est
mathématique. Je me suis déplacé subrepticement pour que
mon ombre prenne le dessus. Marquès ne se rendait compte de
rien, moi ce petit jeu m’amusait. Pour une fois c’était moi le plus
fort, ça ne coûte rien de rêver. Marquès, qui continuait de me
massacrer l’épaule, vit Élisabeth passer près du marronnier à
quelques mètres de nous. Il se leva et me donna l’ordre de ne
pas bouger, me laissant enfin tranquille.
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Yves sortit de la remise où il rangeait son matériel. Il
s’avança vers moi, et me regarda d’un air si sérieux que je me
suis demandé ce que j’avais encore bien pu faire.
― Je suis désolé pour ton père, me dit-il. Tu sais, avec le
temps, les choses finiront peut-être par s’arranger.
Comment pouvait-il déjà connaître la nouvelle? Le départ
de mon père ne faisait quand même pas la une de la gazette du
village.
La vérité, c’est que dans les petites villes de province, tout
se sait, aucun ragot n’échappe aux uns, avides du malheur des
autres. Quand j’ai pris conscience de ça, la réalité du départ de
papa m’est retombée une deuxième fois sur les épaules, tel un
fardeau. Sûr que, dès le soir même, on en parlerait dans toutes
les maisons des élèves de ma classe. Les uns rendraient ma
mère responsable, pour les autres ce serait la faute de papa.
Dans tous les cas, je serais le fils incapable d’avoir rendu son
père suffisamment heureux pour l’empêcher de partir.
L’année commençait franchement mal.
― Tu t’entendais bien avec lui? me demanda Yves.
J’ai répondu oui d’un hochement de tête tout en regardant
fixement le bout de mes chaussures.
― La vie est mal faite, moi mon père était un salaud.
J’aurais tellement aimé qu’il quitte la maison. Je suis parti
avant lui, pour ne pas dire à cause de lui.
― Papa n’a jamais levé la main sur moi! rétorquai-je pour
éviter tout malentendu.
― Le mien non plus, répliqua le gardien.
― Si vous voulez qu’on devienne copains, il faut se dire la
vérité. Je sais bien que votre père vous frappait, il vous
entraînait au fond du jardin pour vous donner une rouste avec
sa ceinture.
Mais qu’est-ce qui m’avait pris de dire ça? Je ne savais pas
comment ces paroles étaient sorties de ma bouche. Peut-être
que j’avais eu besoin d’avouer à Yves ce que j’avais vu ce fameux
samedi alors que je rentrais de ma colle. Il me regarda droit
dans les yeux.
― Qui t’a raconté ça?
― Personne, répondis-je confus.
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― Tu es soit un fouineur, soit un menteur.
― Je ne suis pas un fouineur! Et vous, qui vous a dit pour
mon père?
― Je portais le courrier à Mme la directrice quand ta
maman a appelé pour prévenir. La directrice était si consternée
en raccrochant qu’elle en parlait à voix haute, répétant «Ces
hommes, quels salauds, des vrais salauds». Quand elle a pris
conscience que je me trouvais en face d’elle, elle s’est sentie
obligée de s’excuser. «Pas vous Yves», elle m’a dit. «Bien sûr
pas vous», elle a même répété. Tu parles, elle pense pareil de
moi, elle pense pareil de nous tous; à ses yeux on est des
salauds, mon petit, suffit d’être un homme pour appartenir au
mauvais clan. Si tu avais vu comme elle était malheureuse
quand l’école est devenue mixte. C’est bien connu, les hommes
trompent leurs femmes, et on se demande avec qui? Avec qui,
sinon avec des femmes qui trompent aussi leurs hommes? Et je
sais de quoi je parle. Tu verras, quand tu seras grand.
J’aurais voulu faire croire à Yves que je ne savais pas de
quoi il parlait, mais je venais de lui dire que notre camaraderie
ne pourrait se construire sur le mensonge. Je savais
parfaitement de quoi il parlait, depuis le jour où maman avait
trouvé un tube de rouge à lèvres dans la poche du manteau de
papa et que papa avait prétendu qu’il n’avait aucune idée de la
façon dont il était arrivé là, jurant que c’était sûrement une
mauvaise blague d’un copain de bureau. Papa et maman
s’étaient disputés toute la nuit et j’en avais plus appris en un
soir sur l’infidélité qu’avec tout ce que j’avais pu entendre dans
les séries que maman regardait à la télé. Même sans image, c’est
beaucoup plus authentique quand les acteurs du drame jouent
dans la chambre à côté de la vôtre.
― Bon, je t’ai dit comment j’ai su pour ton père, reprit
Yves, maintenant à ton tour.
La cloche sonnait la fin de la récré; Yves a grommelé
quelques mots et m’a ordonné de filer en cours. Il a ajouté que
nous n’en avions pas fini, tous les deux. Il est reparti vers sa
remise et moi vers ma classe.
Je marchai face au soleil et me retournai soudain; l’ombre
qui me suivait était à nouveau toute petite, celle qui devançait le
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gardien, bien plus grande. En ce début de semaine, une chose
au moins était redevenue normale et ça me rassurait
terriblement. Maman avait peut-être raison, j’avais trop
d’imagination et ça me jouait parfois des sales tours.
*
**
Je n’écoutai rien en cours d’anglais. D’abord je n’avais pas
pardonné à Mme Schaeffer de m’avoir collé et puis de toute façon
j’avais l’esprit ailleurs. Pourquoi ma mère avait-elle téléphoné à
la directrice pour lui raconter sa vie, notre vie? Elles n’étaient
pas meilleures amies que je sache, et je trouvais ce genre de
confidence tout à fait déplacé. Est-ce qu’elle imaginait les
conséquences pour moi quand la nouvelle se répandrait? Je
n’avais plus aucune chance avec Élisabeth. En supposant qu’elle
aime les garçons à lunettes et de petite taille, ce qui déjà était
une supposition relativement optimiste, qu’elle soit attirée par
le contraire d’un Marquès, genre grand type baraqué et assez
sûr de lui, comment pourrait-elle rêver d’un avenir avec
quelqu’un dont le père avait quitté la maison pour toutes les
raisons qu’on connaissait, la principale étant que son fils ne
valait pas la peine de rester?
J’ai ruminé cette pensée à la cantine, en cours de
géographie, à la récréation de l’après-midi et sur le chemin de la
maison. En rentrant chez moi, j’étais bien décidé à expliquer à
ma mère la gravité du pétrin dans lequel elle m’avait fourré.
Mais en tournant la clé dans la serrure, je me dis que ce serait
trahir Yves; ma mère rappellerait la directrice dès le lendemain
pour lui reprocher de n’avoir pas su garder le secret, la
directrice n’aurait pas besoin de mener une grande enquête
pour découvrir l’origine de la fuite. En compromettant le
gardien, je compromettais aussi les chances que notre
camaraderie devienne un jour une belle amitié, et ce qui me
manquait le plus dans cette nouvelle école, c’était un ami.
Qu’Yves ait trente ou quarante ans de plus que moi m’était bien
égal. Lorsque je lui avais mystérieusement chapardé son ombre,
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j’avais ressenti qu’il était digne de confiance. Il faudrait que je
trouve un autre moyen de confondre ma mère.
Nous avons dîné devant la télé, maman n’était
pas d’humeur à me faire la conversation. Depuis le départ de
papa, elle ne parlait presque plus, comme si les mots étaient
devenus trop difficiles à prononcer.
En allant me coucher, j’ai repensé à ce qu’Yves m’avait
expliqué à la récréation: avec le temps les choses finissent
parfois par s’arranger. Peut-être que dans quelque temps
maman reviendrait me dire bonsoir dans ma chambre, comme
avant. Cette nuit-là, même les rideaux tirés sur la fenêtre
entrouverte sont restés immobiles, plus rien n’osait déranger le
silence qui régnait dans la maison, même pas une ombre dans
les plis du tissu.
*
**
On pourrait croire que le cours de ma vie changea avec le
départ de mon père, mais ce ne fut pas le cas. Papa rentrant
souvent tard du bureau, j’avais depuis longtemps pris l’habitude
de passer mes soirées en tête à tête avec ma mère. La
promenade dominicale que nous faisions à bicyclette me
manquait, mais je la remplaçai très vite par les dessins animés
que maman me laissait regarder pendant qu’elle lisait son
journal. À nouvelle vie, nouvelles habitudes; nous allions
partager un hamburger au restaurant du coin et nous nous
promenions ensuite dans les rues commerçantes. Les boutiques
étaient fermées, mais maman ne semblait pas toujours s’en
rendre compte.
À l’heure du goûter, elle me proposait invariablement
d’inviter des copains à la maison. Je haussais les épaules et lui
promettais de le faire... plus tard.
Il avait plu tout octobre. Les marronniers avaient perdu
leurs feuilles et les oiseaux se faisaient rares sur les branches
dénudées. Bientôt leur chant se tut complètement, l’hiver ne
tarderait pas.
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Chaque matin, je guettais l’apparition d’un rayon de soleil,
mais il me fallut attendre la mi-novembre pour qu’il perce enfin
la couche des nuages.
*
**
Aussitôt le ciel redevenu bleu, notre professeur de sciences
naturelles organisa une sortie en plein air. Il ne restait que
quelques jours pour aller collecter de quoi élaborer un herbier
digne de ce nom.
Un autocar affrété pour l’occasion nous déposa en lisière
de la forêt qui borde notre petite ville. Nous voilà, la section 6C
au grand complet, affrontant l’humus et la terre glissante pour
ramasser toutes sortes de végétaux, feuilles, champignons,
herbes hautes et mousses aux couleurs changeantes. Marquès
guidait la marche, tel un sergent-chef. Les filles de la classe
rivalisaient de simagrées pour attirer son attention, mais pas un
instant il ne quitta Élisabeth des yeux. À l’écart des autres, elle
faisait celle qui ne s’en rendait pas compte, mais je n’étais pas
dupe et je compris, déçu, qu’elle en était bien contente.
Pour avoir prêté trop d’attention au pied d’un grand chêne
où poussait une amanite au chapeau digne de la coiffe d’un
Schtroumpf, je me retrouvai à la traîne et isolé du groupe. En
d’autres termes, j’étais perdu. J’entendis au loin notre
professeur crier mon prénom, mais impossible d’identifier d’où
venaient ses appels.
Je tentai de rejoindre le groupe, mais je dus vite me rendre
à l’évidence, soit la forêt était sans fin, soit je tournais en rond.
Je levai la tête vers les cimes des érables, le soleil déclinait et je
commençais à avoir une sacrée trouille.
Tant pis pour mon amour-propre, je hurlai de toutes mes
forces. Les copains devaient se trouver à bonne distance, car
aucune voix ne faisait écho à mes appels au secours. Je m’assis
sur la souche d’un chêne et me mis à penser à ma mère. Qui lui
tiendrait compagnie le soir si je ne rentrais pas? Est-ce qu’elle
allait croire que j’étais parti comme papa? Lui, au moins, l’avait
prévenue. Jamais elle ne me pardonnerait de l’avoir
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abandonnée ainsi, surtout au moment où elle avait le plus
besoin de moi. Même s’il lui arrivait d’oublier ma présence
quand nous parcourions ensemble les allées du supermarché,
même si elle ne m’adressait plus souvent la parole à cause des
mots trop difficiles à prononcer, ou si elle ne venait plus me dire
bonsoir dans ma chambre, je savais qu’elle serait très
malheureuse. Mince, j’aurais dû penser à tout ça avant de
rêvasser devant ce stupide champignon. Si je le retrouvais, je le
décoifferais d’un bon coup de pied pour m’avoir joué ce mauvais
tour.
― Mais bon sang, qu’est-ce que tu fiches, imbécile?
C’était bien la première fois depuis la rentrée que j’étais
content de voir la tête de Marquès, elle apparut entre deux
hautes fougères.
― Le prof de sciences est dans tous ses états, il était prêt à
organiser une battue, je lui ai dit que j’allais te retrouver. Quand
on va à la chasse, mon paternel n’arrête pas de me dire que j’ai
un don pour dénicher le mauvais gibier. Je vais finir par croire
qu’il a raison. Tu te dépêches, oui! Tu devrais voir ta tête, je
suis sûr que si j’avais attendu encore un peu je t’aurais surpris
en larmes comme une mauviette.
Pour me balancer ces bonnes paroles, Marquès s’était
agenouillé face à moi. Le soleil était dans son dos et auréolait sa
tête, ce qui lui donnait un air encore plus menaçant que
d’habitude. Il avait collé son visage si près du mien que je
pouvais sentir les relents de son chewing-gum. Il s’est redressé
et m’a donné un coup sur le bras.
― Alors, on y va ou tu préfères passer la nuit ici?
Je me suis levé sans rien dire et je l’ai laissé faire quelques
pas en avant.
C’est lorsqu’il s’est éloigné que je me suis rendu compte
que quelque chose clochait. L’ombre que je traînais derrière moi
devait mesurer un bon mètre de plus que la normale, celle de
Marquès était toute petite, si petite que j’en ai déduit qu’il ne
pouvait s’agir que de la mienne.
Si après m’avoir sauvé Marquès découvrait que j’en avais
profité pour lui piquer son ombre, ce n’était plus mon trimestre
mais ma scolarité tout entière qui serait foutue, jusqu’à
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l’examen de sortie à mes dix-huit ans. Pas besoin d’être doué en
calcul mental pour savoir que ça représentait un paquet de
journées à vivre un cauchemar éveillé.
Je lui ai emboîté le pas aussitôt, bien décidé à ce que nos
ombres se chevauchent à nouveau pour que tout redevienne
normal comme avant, avant que papa ne quitte la maison. Tout
ça n’avait aucun sens, on ne confisque pas l’ombre de quelqu’un
comme ça! C’était pourtant bien ce qui venait de se produire,
pour la deuxième fois. L’ombre de Marquès s’était superposée à
la mienne et, lorsqu’il s’était éloigné de moi, elle était restée
accrochée au bout de mes pieds. Mon cœur battait la chamade,
j’avais les jambes en coton.
Nous avons traversé la clairière vers le chemin où le
professeur de sciences naturelles et les copains nous
attendaient. Marquès levait les bras au ciel en signe de victoire,
il avait l’air d’un chasseur et moi du trophée qu’il traînait
derrière lui. Le professeur nous faisait de grands signes, pour
que l’on se dépêche. Le bus attendait. Je sentais que j’allais
encore en prendre pour mon grade. Les copains nous
dévisageaient et je devinais les moqueries dans leurs regards.
Au moins ce soir-là, ils auraient une autre histoire à raconter
chez eux que les problèmes de couple de mes parents.
Élisabeth était déjà assise dans le bus, à la même place qu’à
l’aller. Elle ne regardait même pas par la vitre, ma disparition
n’avait pas dû beaucoup l’inquiéter. Le soleil glissait un peu plus
vers la ligne d’horizon, nos ombres s’effaçaient petit à petit,
devenant à peine visibles. Tant mieux, personne ne
remarquerait ce qui s’était produit dans la forêt.
Je grimpai dans le bus, l’air penaud. Le prof de sciences me
demanda comment j’avais fait pour me perdre et me confia que
je lui avais fichu une peur bleue, mais il avait l’air content que
tout se soit bien terminé, on en resterait là. Je suis allé
m’asseoir sur la banquette du fond et je n’ai plus dit un mot de
tout le retour. De toute façon, je n’avais rien à dire, je m’étais
perdu, voilà tout, ça arrive aux meilleurs. J’avais vu à la
télévision un documentaire sur des alpinistes chevronnés qui
s’étaient égarés dans la montagne, et moi je n’ai jamais
prétendu être un randonneur chevronné.
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Lorsque je suis rentré à la maison, maman m’attendait
dans le salon. Elle m’a pris dans ses bras et m’a serré très fort,
presque trop fort à mon goût.
― Tu t’es perdu? dit-elle en me caressant la joue.
Elle devait être reliée par talkie-walkie avec la directrice de
l’école, c’était pas possible autrement que les informations à
mon sujet circulent aussi vite.
Je lui ai expliqué ma mésaventure, elle a tenu absolument
à ce que je prenne un bain chaud. J’avais beau lui répéter que je
n’avais pas eu froid, elle ne voulait rien entendre. À croire que
ce bain allait nous laver de tous les tracas qui s’étaient abattus
sur nos vies: pour elle le départ de papa et pour moi l’arrivée de
Marquès.
Pendant qu’elle me frictionnait les cheveux avec un
shampoing qui me piquait les yeux, je fus bien tenté de lui
parler de mon problème avec les ombres, mais je savais qu’elle
ne me prendrait pas au sérieux, elle m’accuserait encore
d’affabuler, alors j’ai préféré me taire en espérant qu’il ferait
mauvais temps le lendemain, les ombres resteraient ainsi
voilées par la grisaille du ciel.
Au dîner, j’ai eu droit à du rosbif et des frites, je devrais
penser à me perdre plus souvent en forêt.
*
**
Maman entra dans ma chambre à 7 heures du matin. Le
petit déjeuner était prêt, je n’avais plus qu’à faire ma toilette, à
m’habiller et à descendre illico si je ne voulais pas être en
retard. En fait, j’aurais bien aimé arriver en retard à l’école,
j’aurais même adoré ne plus y aller du tout. Maman
m’annonça qu’il allait faire une très belle journée, et ça la
mettait de bonne humeur. J’entendis ses pas dans l’escalier et je
m’enfouis aussitôt sous ma couette. J’ai supplié mes pieds
d’arrêter de n’en faire qu’à leur tête, je les ai suppliés de ne plus
voler d’ombres et surtout de rendre la sienne à Marquès dès que
possible. Bien sûr, parler à ses pieds au petit matin ça peut
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paraître bizarre, mais il faut se mettre à ma place pour
comprendre ce que j’endurais.
Mon cartable solidement accroché dans le dos, je marchais
vers l’école en réfléchissant à mon problème. Pour procéder à
l’échange incognito, il fallait encore que l’ombre de Marquès et
la mienne se chevauchent à nouveau; ce qui signifiait aussi que
je devais trouver un prétexte pour m’approcher de Marquès et
lui adresser la parole.
La grille de l’école était à quelques mètres, j’inspirai un
grand coup avant d’entrer. Marquès était assis sur le dossier du
banc, entouré des copains qui l’écoutaient raconter ses histoires.
Le dépôt des candidatures à l’élection du délégué de classe avait
été fixé à la fin de la journée, il était en pleine campagne
Äàòà ïóáëèêîâàíèÿ: 2014-11-19; Ïðî÷èòàíî: 192 | Íàðóøåíèå àâòîðñêîãî ïðàâà ñòðàíèöû | Ìû ïîìîæåì â íàïèñàíèè âàøåé ðàáîòû!